Les faits

Dans le cadre du processus de réadaptation prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la « L.A.T.M.P. »), l’employeur informe la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la « C.S.S.T. ») qu’il n’a aucun emploi convenable disponible pour le travailleur victime d’une lésion professionnelle, ayant engendré pour celui-ci une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. La C.S.S.T. rend alors une décision à l’effet que le processus de réadaptation se poursuivra afin de trouver un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail. Suite à cette décision, l’employeur décide de mettre fin à l’emploi du travailleur. 

Invoquant l’omission de la C.S.S.T. d’avoir pris en considération l’obligation de l’employeur d’accommoder le travailleur en raison de son handicap, dans la détermination de l’emploi convenable, ce dernier dépose une demande de contestation auprès de la Commission des lésions professionnelles (la « C.L.P. »). Conformément à la jurisprudence en la matière, la C.L.P. rejette la requête du travailleur et conclut que les dispositions de la L.A.T.M.P. constituent en soi un accommodement et que ni la C.S.S.T. ni la C.L.P. n’ont le pouvoir d’imposer des mesures de réparation à l’employeur relativement à une démarche d’accommodement découlant de son handicap au sens de la Charte québécoise.

En révision judiciaire, la Cour supérieure tranche que la C.L.P. avait l’obligation de s’assurer que le comportement de l’employeur, dans la détermination d’un emploi convenable en application de la LATMP, ne contrevenait pas aux dispositions de la Charte. Cette décision sera finalement portée en appel.

La décision

La Cour d’appel précise d’emblée que l’objet principal du litige est de déterminer si la C.S.S.T. et la C.L.P. sont compétentes pour déterminer si l’employeur a respecté son obligation d’accommodement, à l’égard d’un travailleur victime d’une lésion professionnelle et pour lequel subsiste un handicap au sens de la Charte québécoise. La Cour rappelle que suivant les récents arrêts Sépaq et Tembec, l’arbitre de grief n’aurait pas la compétence pour imposer une démarche d’accommodement subséquemment à une décision de la C.S.S.T. ou de la C.L.P. portant sur le droit de retour au travail.

De ce fait, la Cour d’appel souligne qu’advenant le cas où elle arriverait à la conclusion que la C.S.S.T. et la C.L.P. n’ont pas pour rôle de déterminer si l’employeur a respecté ses obligations en matière d’accommodement, il en résulterait une absence totale de forum pour mettre en œuvre le droit à l’égalité du travailleur. 

La juge Bélanger explique qu’une dichotomie se crée entre le devoir d’accommodement, qui impose à l’employeur la recherche d’une solution acceptable dont la limite est la présence d’une contrainte excessive, et le régime prévu à la L.A.T.M.P., selon lequel la détermination d’un emploi convenable est laissée à la discrétion de l’employeur.

La Cour affirme que la C.L.P. dispose de la compétence nécessaire pour accorder la réparation appropriée dans l’optique où elle constate que l’employeur a failli à son obligation quasi constitutionnelle d’accommodement.

En outre, considérant que le législateur n’a pas prévu que la L.A.T.M.P. avait pour effet d’écarter l’obligation d’accommodement découlant de la Charte, il n’y a pas d’incompatibilité à intégrer une telle démarche à l’intérieur du processus de détermination d’un emploi convenable. 

Au final, la recherche d’un accommodement raisonnable pourra se faire avant ou même après l’identification d’un emploi convenable par la C.S.S.T. Le tribunal ajoute que dorénavant le délai pour exercer le droit de retour au travail en vertu de l’article 240 L.A.T.M.P. ne doit plus être appliqué avec rigueur puisque les enseignements de la Cour suprême exigent une démarche individualisée en matière d’accommodement.

Référence : Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Caron, 2015 QCCA 1048

Commentaires

Cette décision imbrique donc la notion d’accommodement à même la L.A.T.M.P., pour reprendre les termes employés par la Cour d’appel. Il est surprenant de constater que la Cour a omis de tenir compte de la jurisprudence soulignant qu’une telle décision de mettre fin à l’emploi est la résultante d’un processus décisionnel d’un organisme administratif, en l’occurrence la C.S.S.T. et non pas d’une décision ou d’une norme adoptée par l’employeur. Or, l’adoption d’une norme par l’employeur est justement une condition nécessaire au déclenchement d’une démarche d’accommodement suivant l’arrêt Meiorin.

L’impact de cette décision est important puisqu’il impose à l’employeur, la C.S.S.T. et la C.L.P. le fardeau de s’assurer qu’une démarche d’accommodement raisonnable a été complétée.