Les faits

En avril 2005, Wal-Mart ferme définitivement le magasin qu’elle exploitait alors à Jonquière. De ce fait, environ deux cents (200) salariés perdent leur emploi. Cette fermeture entraîne plusieurs recours judiciaires initiés par le Syndicat qui venait tout juste de déposer une requête en accréditation pour représenter les salariés de cet établissement.

La question en litige

Dans le dossier pour lequel la Cour suprême s’est prononcée le 27 juin 2014, la question centrale consistait à savoir si l’arbitre de grief avait eu raison de conclure que la fin d’emploi des salariés ci-dessus constituait une modification unilatérale de leurs conditions de travail prohibée par l’art. 59 du Code du travail.

Rappelons que l’article 59 du Code du travail prévoit qu’à compter du dépôt d’une requête en accréditation, un employeur ne peut modifier les conditions de travail de ses salariés sans le consentement écrit du syndicat.

Le jugement de la Cour suprême

La Cour suprême (à 5 contre 2) conclut que la décision rendue par l’arbitre saisi du litige est raisonnable.

Elle rappelle tout d’abord que pour que la décision de l’employeur ne soit pas assimilée à une modification illégale des conditions de travail au sens de l’art. 59 du Code, l’arbitre doit être convaincu qu’elle a été prise en conformité avec les pratiques antérieures de gestion de l’employeur.

Elle mentionne ensuite que parfois, comme en cas de fermeture, il est difficile de déterminer si une pratique de gestion donnée existait avant le dépôt de la requête en accréditation. Pour la Cour, il est alors possible de considérer qu’une décision de « saine gestion » doit être conforme à ce qu’aurait fait un « employeur raisonnable placé dans la même situation ».

Mais ce qu’il faut surtout retenir de ce jugement c’est que la Cour conclut que l’employeur, dans pareilles circonstances, « devra prouver qu’il aurait agi de la même manière en l’absence de requête en accréditation. »

Elle précise par ailleurs que, de fait, l’art. 59 ne prive pas l’employeur du pouvoir de cesser partiellement ou totalement ses activités et, par extension, de résilier les contrats de travail de certains ou de l’ensemble de ses salariés ; mais que cela lui demande, en revanche, de l’exercer conformément à ses pratiques habituelles de gestion.

Se penchant sur l’analyse effectuée par l’arbitre, la Cour indique qu’il ressort clairement de son analyse de la preuve présentée par le Syndicat que celui-ci avait démontré que le magasin n’était pas dans une situation laissant présager sa fermeture. À l’inverse, Wal-Mart n’avait présenté aucune preuve à cet égard.

En conclusion, la Cour suprême du Canada renvoie le dossier à l’arbitre pour qu’il détermine la réparation appropriée à être octroyée aux salariés ayant perdu leur emploi suivant la fermeture du Wal-Mart. Soulignons par ailleurs que dans son jugement, la Cour réaffirme selon nous, bien que timidement, l’absence de pouvoir d’un arbitre d’ordonner à un employeur de reprendre ses opérations ou de rouvrir son commerce même en cas de contravention à l’article 59 du Code.

Pour consulter le jugement :

http://​scc​-csc​.lexum​.com/​s​c​c​-​c​s​c​/​s​c​c​-​c​s​c​/​f​r​/​i​t​e​m​/​14247​/​i​n​d​ex.do