Introduction

Dans une perspective de développement des affaires, le recrutement d’une force de vente efficace et motivée est un atout essentiel pour votre entreprise. Le mode de rémunération des vendeurs à commissions amène parfois certains employeurs à confondre le statut de salarié et celui de travailleur autonome.

Le mode de rémunération d’une personne est-il l’unique critère servant à la détermination du statut juridique de celle-ci vis-à-vis l’entreprise pour qui elle vend des produits ? Quels sont les critères jurisprudentiels utilisés dans la détermination du statut d’un salarié versus celui d’un travailleur autonome ?

La question présente un grand intérêt puisque les décideurs tendent à convertir la situation juridique de travailleurs prétendument autonomes à celle de salariés, donnant ainsi ouverture à des réclamations importantes à l’encontre de l’employeur notamment en matière d’application des lois fiscales.

Afin de guider l’employeur dans son analyse, le présent article propose un survol du cadre législatif et présente une « grille test » regroupant certains critères jurisprudentiels examinés par les décideurs dans la détermination du statut d’un travailleur, salarié ou « autonome ».

Le cadre législatif

Le statut de travailleur autonome et celui de salarié sont régis par des dispositions législatives différentes. Les caractéristiques qui les différencient sont essentielles dans la détermination d’un statut par rapport à un autre lorsque les parties présentent un litige devant un décideur.

Contrat de services

Un travailleur autonome est régi par un contrat de service. Un contrat de service est une entente par laquelle un entrepreneur s’engage envers son client à fournir un service moyennant un prix [1].

Contrat de travail

Un salarié est régi par un contrat de travail. Au sens du Code civil du Québec, le législateur précise qu’un contrat de travail est une entente entre un salarié qui s’engage à effectuer un travail pour et sous le contrôle de son employeur contre rémunération [2].

Lien de subordination

La principale différence entre le statut de travailleur autonome et celui de salarié se joue au niveau du contrôle exercé par l’employeur sur le salarié, ce qui est communément appelé le lien de subordination. Les tribunaux ont ainsi développé des indices qui permettent de déceler l’importance de lien de subordination qu’exerce l’employeur sur son travailleur.

Les critères jurisprudentiels

Voyons à l’aide d’un tableau certains critères jurisprudentiels utilisés dans la détermination d’un statut par rapport à un autre[3]. Évidemment, la présente grille se veut indicative et chaque situation doit être analysée à son mérite. 

Critères de détermination du statut

Travailleur autonome

Salarié

La personne encoure la chance de réaliser des pertes ou des profits.

Oui

Non

La personne est soumise à des obligations de rendement et de production.

Non

Oui

Les processus de gestion concernant cette personne s’apparentent à des cas classiques d’embauche et de congédiement.

Non

Oui

La personne doit suivre les directives sur une façon d’exécuter son travail dictée par l’employeur.

Non

Oui

La personne est propriétaire des outils nécessaires pour effectuer le travail.

Oui

Non

La personne doit aviser l’employeur lors de ses absences.

Non

Oui

En cas d’absence, la personne peut faire effectuer le travail par une personne de son choix.

Oui

Non

La personne détermine elle-même ses horaires de travail.

Oui

Non

La personne détermine le taux applicable pour ses services.

Oui

Non

La personne fixe ses propres objectifs.

Oui

Non

La personne prend ses vacances et n’a pas à obtenir de permission.

Oui

Non

La personne choisit ses remplaçants lors de ses absences.

Oui

Non

La personne contrôle et assume ses frais sans se faire rembourser.

Oui

Non

La personne peut être disciplinée par des avis verbaux, écrits ou des suspensions.

Non

Oui

La personne effectue des tâches qui font partie intégrante de l’exploitation de l’entreprise.

Non

Oui

Des déductions à la source sont effectuées sur la rémunération.

Non

Oui


CONCLUSION

En cas de fin de contrat, la protection législative offerte aux salariés est de façon générale plus généreuse que pour un travailleur autonome, ou entrepreneur indépendant, qui est soumis plus simplement aux termes de son contrat. 

La jurisprudence regorge d’exemples où des employeurs ont tenté d’esquiver leurs obligations en qualifiant un salarié comme un « travailleur autonome ». Bien que les tribunaux observent la façon dont un employeur paie les services qui lui sont rendus et tiennent compte des déductions qui sont effectuées, les critères émanant de la jurisprudence ci-haut mentionnés doivent être évalués dans leur ensemble. Ainsi, malgré la qualification qu’en font les parties, un entrepreneur peut être considéré comme un salarié et bénéficier des mêmes protections que ce dernier s’il présente des réclamations devant les tribunaux.

Au surplus, au niveau fiscal, la détermination du statut d’une personne à titre de salarié engendre des conséquences pour l’employeur, lequel devra certes rencontrer des obligations à titre « d’employeur » telles que des déductions à la source, le respect des normes du travail et le respect des règlements divers applicables à une relation employeur-salarié.

[1] Article 2098 du Code civil du Québec

[2] Article 2085 du Code civil du Québec

[3] Ricard c. Melillo, D.T.E.2013T-728 (C.Q.); 9095 – 3532 Québec inc. (La Capitale Saguenay – Lac St-Jean) c. Daigle, D.T.E. 2011T-16 (C.S.); « Contrat de travail ou contrat de service : où se situe l’«autonomie » du travailleur autonome ? », Luc Deshaies et Josée Gervais, Développements récents en droit du travail (2012), Volume 348