La pénurie de main-d’œuvre actuelle amène de nombreux employeurs québécois à recourir aux services d’un personnel de plus en plus jeune afin de combler les besoins de leur organisation. Ce phénomène, qui n’est pourtant pas nouveau, a pris de l’ampleur dans les dernières années, en particulier dans les secteurs qui proposent des emplois ne requérant pas de main-d’œuvre qualifiée. La présence accrue des jeunes sur le marché du travail soulève non seulement des enjeux de santé-sécurité, mais aussi de décrochage scolaire.

C’est dans ce contexte qu’en décembre 2022, le Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre a transmis au Ministre du Travail, M. Jean Boulet, un avis concernant le travail des enfants au Québec dans lequel il recommande une révision de la législation québécoise afin de mieux encadrer le travail des enfants, notamment quant à l’âge d’admissibilité et la durée du travail.[1]

À la suite de l’avis du Comité, le Ministre Boulet a présenté le 28 mars dernier à l’Assemblée nationale le projet de loi no 19, Loi sur l’encadrement du travail des enfants[2] (le « PL-19 »). Ce projet de loi modifie la Loi sur les normes du travail[3] (la « LNT »), le Règlement sur les normes du travail[4] et la Loi sur la santé et la sécurité du travail[5] afin de prévoir des balises supplémentaires encadrant le travail des personnes mineures.

Puisque les dispositions de la LNT encadrant le travail des enfants n’ont pas été modifiées depuis 1999, il semblait en effet temps de les moderniser.

Modifications proposées par le projet de loi

Le projet de loi no 19 propose de modifier la LNT afin d’interdire à un employeur de faire effectuer un travail par un enfant de moins de 14 ans, sauf dans les cas et aux conditions déterminés par règlement[6]. Il s’agit d’une modification importante, puisqu’elle interdit le travail de tous les enfants de moins de 14 ans, sauf exceptions.

Les exceptions à cette interdiction générale actuellement proposées par le projet de loi sont les suivantes : 

  • l’enfant qui travaille à titre de créateur ou d’interprète dans un domaine de production artistique ;
  • le livreur de journaux ou d’autres publications ;
  • le gardien d’enfants ;
  • l’enfant qui effectue de l’aide aux devoirs ou du tutorat ;
  • l’enfant qui travaille dans une entreprise familiale qui compte moins de 10 salariés s’il est l’enfant de l’employeur ;
  • l’enfant qui travaille dans un organisme à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire, tel qu’une colonie de vacances ou un organisme de loisirs ;
  • l’enfant qui travaille dans un organisme sportif à but non lucratif pour assister une autre personne ou en soutien, tel qu’un aide-moniteur, un assistant-entraîneur ou un marqueur.[7]

Afin de bénéficier de l’une ou l’autre des exceptions ci-dessus, l’employeur devra cependant préalablement obtenir le consentement écrit du parent ou du tuteur de l’enfant au moyen du formulaire établi par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST ») et y indiquer les principales tâches, le nombre maximal d’heures de travail par semaine et les périodes de disponibilités de l’enfant.

Le projet de loi prévoit également d’interdire le travail d’un enfant plus de 17 heures par semaine et plus de 10 heures du lundi au vendredi, sauf lors de toute période de plus de sept jours consécutifs au cours de laquelle aucun service éducatif n’est offert à l’enfant.[8]

En ce qui a trait à la santé et à la sécurité du travail, le projet de loi propose de modifier plusieurs dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail afin d’inclure l’analyse des risques pouvant affecter particulièrement la santé et la sécurité des travailleurs âgés de 16 ans et moins dans l’élaboration d’un programme de prévention et d’un plan d’action.[9] Le projet de loi prévoit aussi d’inclure l’analyse de ces risques aux fonctions du comité de santé et de sécurité, du représentant à la prévention ainsi que de l’agent de liaison.[10]

Impacts et enjeux pour les employeurs

Le projet de loi prévoit que l’employeur qui a à son emploi un enfant de moins de 14 ans effectuant un travail visé par l’interdiction devra lui transmettre un avis de cessation d’emploi dans les 30 jours de la sanction du projet de loi.[11] Quant à l’employeur qui a à son emploi un enfant de moins de 14 ans visé par une exception prévue par règlement, il devra obtenir le consentement écrit du parent ou du tuteur dans les 30 jours suivant la sanction du projet de loi.[12]

Le projet de loi propose aussi de modifier les dispositions pénales de la LNT afin de prévoir que quiconque contrevient aux dispositions encadrant le travail des enfants commet une infraction et est passible d’une amende de 600 $ à 6 000 $ et, pour toute récidive, d’une amende de 1 200 $ à 12 000 $.[13]

Ainsi, la modification de l’âge minimum pour travailler au Québec impliquera nécessairement des changements majeurs et rapides pour certains employeurs qui ont fréquemment recours aux services de jeunes de moins de 14 ans afin de se conformer à ces nouvelles exigences. Si le projet de loi est adopté dans sa mouture actuelle, les employeurs concernés ne disposeront que de 30 jours pour mettre un terme à l’emploi des jeunes visés ou pour obtenir le consentement requis, sous peine d’amende.

Considérant que le projet de loi est encore au stade des consultations, des modifications pourraient être adoptées dans le cadre des travaux en commission parlementaire. Nous vous tiendrons au courant de l’évolution de ce projet de loi dans nos prochains articles.


[1] Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre, Avis du CCTM concernant le travail des enfants au Québec, 8 décembre 2022.

[2] Loi sur l’encadrement du travail des enfants, projet de loi no 19 (présentation – 28 mars 2023), 1ère sess., 43e légis. (Qc).

[3] RLRQ, c. N-1.1.

[4] RLRQ, c. N-1.1, r. 3.

[5] RLRQ, c. S-2.1.

[6] PL-19, art. 2.

[7] PL-19, art. 13.

[8] PL-19, art. 3.

[9] PL-19, art. 7 et 8.

[10] PL-19, art. 9, 10 et 11.

[11] PL-19, art. 16.

[12] PL-19, art. 17.

[13] PL-19, art. 6.