Les faits
Le 19 mars 2020, quelques jours après que le gouvernement du Québec eut décrété l’état d’urgence sanitaire, QSL Canada, une entreprise spécialisée dans l’opération de terminaux portuaires et d’arrimage, met en place diverses mesures destinées à prévenir la propagation de la COVID-19. L’une d’elles consiste à se laver obligatoirement les mains à la station de lavage située à la guérite d’entrée du lieu de travail.
Or, le salarié, un débardeur, traverse quelques jours plus tard ladite guérite d’entrée sans s’y laver les mains, en contravention de la directive sanitaire de l’employeur.
Lorsqu’un représentant de l’employeur en est informé, on lui demande de repasser par la station de lavage, mais il refuse de le faire. Il justifie son refus par le fait que cette directive n’est pas pertinente et que de toute façon, il venait de passer à la salle de bain et qu’il s’y était lavé les mains à cette occasion.
Dans ces circonstances, l’employeur lui ordonne de quitter les lieux du travail, sur le champ.
Deux jours plus tard, l’employeur rappelle l’employé au travail pour discuter de l’événement et connaître les motifs pour lesquels il ne s’est pas conformé à la directive sanitaire. Le salarié admet alors ne pas s’être lavé les mains à la station de lavage, mais du même coup affirme que cette mesure est inutile et inefficace ; il ne juge donc pas utile de s’y conformer.
L’employeur décide donc d’imposer au salarié une suspension disciplinaire de 4 mois, sans traitement, rétroactive au 6 avril 2020, date où le salarié avait été retourné chez lui par l’employeur.
Le syndicat conteste la suspension en déposant un grief.
La sentence arbitrale
D’abord, l’arbitre ne retient pas le témoignage du salarié à l’effet que c’était parce qu’il était fatigué qu’il a oublié de se laver les mains ; la preuve prépondérante démontre plutôt qu’il a volontairement refuser de se laver les mains, malgré la directive claire à cet effet.
L’arbitre déplore aussi que lors de la rencontre qu’il a eue avec son employeur deux jours après l’événement, le salarié affirmait que la directive sanitaire de l’employeur était inutile et inefficace.
Étant d’avis que les faits au soutien de la mesure ont été démontrés, l’arbitre analyse ensuite la sévérité de la sanction. Pour ce faire, il s’attarde particulièrement à trois éléments : 1) le passé disciplinaire du plaignant ; 2) le contexte lié à la pandémie ; et 3) la gravité de la faute.
Tout d’abord, l’arbitre note que le salarié a déjà fait l’objet de mesures disciplinaires antérieures pour divers manquements aux règles de sécurité en vigueur dans l’entreprise. À son avis, ces mesures antérieures, conjuguées à son dénigrement de la directive de se laver les mains, supportent les craintes alléguées par l’employeur selon lesquelles le plaignant n’accorde pas toute l’importance requise aux règles de sécurité. Par conséquent, l’arbitre estime que le salarié est susceptible de récidiver.
Ensuite, le contexte de la pandémie considéré par l’employeur dans la détermination de la sévérité de la sanction n’est pas déraisonnable, selon l’arbitre. En effet, il indique qu’il faut se rapporter au moment des événements pour analyser le caractère raisonnable de la décision de l’employeur. Or, au moment de l’imposition de la suspension (avril 2020), l’incertitude et les enjeux auxquels faisait face l’employeur étaient sérieux et bien réels. Reprenant les prétentions de l’employeur, l’arbitre précise qu’une éclosion liée à la COVID-19 aurait pu avoir des conséquences importantes pour l’entreprise, entre autres.
Finalement, l’arbitre souligne que la faute reprochée n’est pas le simple fait d’omettre de se laver les mains, mais plutôt que le salarié refuse d’appliquer une directive sanitaire parce qu’il l’estime inutile. Selon l’arbitre, le refus volontaire d’appliquer une directive de prévention en pleine crise sanitaire peut être qualifié de faute grave.
Pour tout ce qui précède, et en l’absence de circonstances atténuantes qui auraient pu jouer en faveur du salarié, l’arbitre refuse d’intervenir pour y substituer une mesure différente de celle imposée par l’employeur, estimant que ladite suspension disciplinaire n’était pas déraisonnable, abusive ou discriminatoire.
À retenir
Cette décision est intéressante puisqu’elle rappelle l’importance du respect des mesures sanitaires mises en place par les employeurs dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, alors que les éclosions potentielles découlant du non-respect de ces mesures peuvent être lourdes de conséquence, tant sur leurs salariés que sur le fonctionnement de leurs entreprises.
Dans ce contexte, les employeurs peuvent être justifiés d’imposer des mesures sévères à l’endroit des salariés qui contreviennent aux mesures sanitaires, surtout ceux qui vont jusqu’à contester leur fondement ou leur utilité.
Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), section locale 5159 et QSL Canada inc., 2021 QCTA 419