Selon une étude publiée par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA)1, au moment où la province était frappée de plein fouet par la première vague de la pandémie de COVID-19, la forte majorité des entreprises n’avait pas de politique en place pour encadrer le télétravail.
Les organisations ont dû implanter le télétravail de façon rapide et imprévue dans un contexte de crise dont l’ampleur aurait été inimaginable seulement quelques mois auparavant.
Selon un sondage de la firme VMWare Canada réalisé en juin 2020 auprès des Québécois qui travaillent actuellement à partir de leur domicile, seulement 8% souhaitent, dans le futur, retourner au travail dans l’établissement de leur employeur.
À l’heure actuelle, des milliers d’organisations d’ici et d’ailleurs réfléchissent à la façon dont elles appliqueront le télétravail afin d’arrimer le souhait des travailleurs et les besoins de l’organisation.
Fort à parier que le télétravail est là pour rester dans plusieurs entreprises, mais encore faut-il s’assurer de bien l’encadrer afin de se prémunir contre les pièges et casse-têtes qu’il peut parfois représenter.
Que vous optiez pour passer en mode 100% télétravail ou en formule hybride, il est primordial d’établir les règles du jeu par le biais d’une politique de télétravail.
L’élaboration d’une politique de télétravail est essentielle : elle amènera l’entreprise à définir ses objectifs et ses attentes en ce qui a trait au comportement du télétravailleur et au respect des règles, des politiques et des procédures de l’organisation.
L’employeur doit notamment établir des directives claires encadrant les points suivants :
Les employés admissibles
Qui est admissible au télétravail ?
L’entreprise qui décide d’implanter le télétravail doit examiner la nature des postes pour vérifier dans quelle mesure elle peut les transférer à distance. Bien évidemment, ce changement ne doit pas nuire aux opérations de l’entreprise. Rappelons à cet égard que la décision de permettre le télétravail revient à chaque employeur ; bien que certains employés se disent plus productifs en télétravail, le dernier mot appartient à l’entreprise, laquelle est à même de constater ce qui fonctionne le mieux pour la poursuite de ses activités.
L’entreprise doit également considérer les prédispositions de l’employé au travail à distance en fonction de ses tâches et responsabilités ainsi que des interactions qu’il doit avoir avec les clients ou collègues internes. L’employé doit être autonome, discipliné et productif, en plus de posséder un bon sens de l’organisation. Ce sont désormais des qualités à rechercher et à valider à travers vos démarches de recrutement.
Les horaires de travail
Quand peut-on faire du télétravail ?
Selon la formule choisie par l’entreprise, l’employeur doit décider s’il impose un horaire de travail strict ou si l’employé détermine lui-même ses heures de travail, en s’assurant d’être présent pendant certaines plages horaires déterminées.
Certains employeurs prévoient des journées précises où l’employé doit être en présentiel, alors que d’autres laissent la flexibilité quant au choix des journées, mais précisent le nombre de jours attendus. Par exemple, 2 – 3 jours/semaine en présentiel et le reste en télétravail.
Il est également impératif de prévoir à la politique la façon dont les heures supplémentaires seront autorisées et comptabilisées. L’employé doit également connaître la marche à suivre afin de prendre une journée de congé. Télétravail ne signifie pas que l’employé peut s’absenter sans aviser comme bon lui semble. Il en est de même en ce qui concerne les retards.
Les équipements fournis et le remboursement des frais
L’employeur doit s’assurer que le travailleur à distance dispose de tous les outils de travail nécessaires à l’accomplissement de ses tâches afin qu’il soit efficace et productif.
Cela étant dit, vous n’avez pas à défrayer les élans créatifs de vos employés qui souhaitent aménager leur bureau à la maison comme ceux qui paraissent dans les magazines de décoration. L’employeur doit préalablement approuver les dépenses et peut choisir la façon dont il procurera l’équipement nécessaire à effectuer les tâches.
Il est donc primordial d’établir dès le départ qui est responsable d’acquitter les frais liés au télétravail, que ce soit les frais de téléphonie, d’internet, d’assurances, de fournitures ou autre. Cela évite de fâcheux malentendus.
Les enjeux de sécurité des données et de confidentialité
Préserver la confidentialité des données de l’entreprise fait partie de l’obligation générale de loyauté des employés à l’égard de leur employeur, selon le Code civil du Québec. En contexte de télétravail, l’employeur a moins de contrôle sur les diverses variables pouvant donner lieu à des situations où la sécurité des données et la confidentialité peuvent être compromises. Il vaut mieux prévenir que guérir. Afin d’éviter des dommages pour l’organisation, l’employeur doit établir des balises claires quant à la protection des données confidentielles.
Les communications
Maintenir les communications est primordial en contexte de télétravail, non seulement pour assurer le bon déroulement des opérations, mais également pour maintenir le lien d’appartenance à l’organisation et favoriser l’échange des idées.
L’employeur doit établir les moyens préconisés pour la communication entre collègues : courriels, appels téléphoniques, messagerie instantanée, partage de documents, visioconférence ou autre, ainsi que les moments où ces outils doivent être utilisés, que ce soit pour une question imprévue, un suivi quotidien, une réunion d’équipe, une urgence ou autre.
En créant des rendez-vous réguliers avec le télétravailleur, l’employeur peut maintenir une constance dans la communication et, conséquemment, assurer un suivi efficace du travail accompli, favoriser une saine gestion et prévenir les conflits.
La gestion de la performance
Que ce soit en présentiel ou à distance, l’employeur doit déterminer le plan de travail, expliquer clairement à l’employé les objectifs fixés et les échéanciers, et s’assurer que le travailleur détient tous les outils nécessaires à sa prestation de travail. Il est important de ne pas perdre cela de vue lorsque les équipes sont en télétravail.
Une bonne politique de télétravail doit prévoir des suivis réguliers avec l’employé qui travaille à distance, selon ses besoins d’encadrement, ses habiletés et ses forces/faiblesses. Le salarié doit explicitement s’engager à répondre aux attentes de l’employeur.
Les besoins de formation
Le télétravail est une nouvelle réalité pour de nombreux travailleurs. Tout comme d’autres sphères de l’emploi, cette nouvelle facette du travail nécessite certaines connaissances qui doivent faire l’objet de formation. Celle-ci doit notamment inclure des apprentissages sur le savoir-faire (utilisation des équipements et des logiciels par exemple), mais également sur le savoir-être (gestion des priorités, gestion du temps, communication, etc.) nécessaire au bon fonctionnement du télétravail, particulièrement si certains membres du personnel présentent des lacunes en la matière.
Une politique de télétravail devrait également prévoir le processus d’orientation et d’intégration d’une nouvelle ressource dans un contexte de travail à distance.
La notion de la santé et sécurité
En télétravail, des accidents de travail peuvent survenir et une maladie professionnelle peut se développer.
Même si le télétravailleur ne se trouve pas dans les locaux de l’entreprise, l’employeur doit, en vertu du Code civil du Québec et de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, veiller sur sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. Quant aux travailleurs, il leur appartient de prendre les mesures nécessaires pour protéger leur santé, leur sécurité ou leur intégrité physique. Il est également de leur devoir de participer à l’identification et à l’élimination des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles sur les lieux de travail et ce, même en télétravail. Tous ont un rôle à jouer en matière de prévention.
La politique de télétravail doit donc définir en termes clairs les attentes en matière de santé et de sécurité dans l’espace de travail que le salarié utilise à son domicile et doter l’organisation de moyens nécessaires afin de s’assurer que le lieu de travail est sécuritaire.
À titre d’exemples :
- Fournir des conseils d’ergonomie pour le travail à la maison ;
- Demander à vos travailleurs une photo/vidéo de leur environnement de travail ;
- Avoir recours à des évaluations de station par un ergonome si un problème est soulevé par un travailleur ;
- Informer les employés régulièrement d’éliminer l’encombrement de leur espace/environnement de travail (avoir préalablement déterminé quelles sont les limites de l’espace de travail);
- Informer le personnel sur les risques psychosociaux (savoir reconnaître les signes d’alarme : les changements d’humeur, l’irritabilité, l’insomnie, l’agressivité, la difficulté à décrocher du travail, etc.) et sur les mesures de prévention mises en place (mise en place de pauses santé même en télétravail, déterminer un horaire de travail précis, travailler dans la même pièce pour dissocier le travail de la vie personnelle, l’existence d’un PAE, etc.).
Le fait de non seulement faire connaître et diffuser la politique de l’entreprise sur le télétravail mais aussi d’informer vos employés sur les rôles, les obligations et les responsabilités de tous en matière de prévention vous permettra de minimiser vos risques en matière de santé et de sécurité au travail.
Les politiques et procédures en cas d’accident devront également être revues dans cette optique.
La fiscalité
Certaines dépenses liées au télétravail peuvent être déduites en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu au fédéral et de la Loi sur les impôts au Québec. Ces modalités peuvent être avantageuses, principalement pour le salarié. Nous invitons les employeurs à préciser la marche à suivre qui s’applique dans leur politique de télétravail.
En conclusion
Pour de nombreuses organisations, le télétravail est un changement majeur dans la façon dont sont maintenant gérées les ressources humaines. Cette modification en profondeur ne peut se faire à l’aveuglette. Le télétravail implique un changement de culture organisationnelle qui nécessite une excellente communication et une révision importante des modèles de gestion.
Pour les travailleurs, alors que le Québec est frappé par la quatrième vague de cette pandémie, l’incertitude quant à la formule de retour au travail et la place du télétravail cause de l’inquiétude et de l’irritation auprès de nombreux d’entre eux.
Une bonne politique de télétravail permet à la fois d’informer et de rassurer les employés quant à leurs droits et obligations dans le cadre du télétravail et de protéger l’employeur de situations potentiellement litigieuses.
Nous vous invitons à faire appel à l’expertise de nos professionnelles en ressources humaines afin de vous accompagner dans l’élaboration et la mise en place de votre politique de télétravail.
1Rapport des résultats de l’enquête Baromètre RH, publié en juin 2020 par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.