Rappel des principes applicables

L’article 32 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ c S-2.1 (la « LSST ») prévoit qu’un travailleur qui fournit à son employeur un certificat médical attestant que son travail l’expose à un contaminant comportant pour lui des dangers (entraînant des signes d’altération de son état de santé) peut demander d’être réaffecté à d’autres tâches qui ne comportent pas une exposition à ce contaminant.

Pour bénéficier d’une telle réaffectation, le travailleur doit démontrer par prépondérance de preuve que cette exposition présente pour lui un danger. Une fois cette preuve établie, il a le droit d’être réaffecté à un autre poste ne l’exposant pas à ce contaminant, pourvu qu’il soit raisonnablement apte à l’accomplir. Or, si une telle réaffectation n’est pas possible, le travailleur sera retiré du milieu de travail et il bénéficiera d’une indemnité de remplacement du revenu.

Les faits

Le travailleur occupe un poste d’éducateur dans un centre de la petite enfance. Il souffre d’arthrite psoriasique périphérique nécessitant la prise d’un médicament qui le rend immunosupprimé. Il ne peut accomplir ses tâches dans le respect intégral des directives sanitaires en vigueur (notamment celle commandant une distanciation adéquate) puisqu’il s’occupe d’enfants âgés entre 18 mois et 4 ans et qu’il voit à leur habillage, leur hygiène, leur propreté, etc. 

Étant immunosupprimé en raison de sa médication, il soumet qu’il est plus à risque de développer de graves complications s’il contractait la COVID-19. Il demande donc de bénéficier d’un retrait préventif en vertu de l’article 32 LSST, ne pouvant pas être réaffecté à un autre poste qui ne comporte pas une exposition à ces dangers. 

La décision

Le Tribunal administratif du travail (le « TAT ») reconnaît tout d’abord que le travailleur est atteint d’une maladie chronique rhumatismale. Il constate également que la preuve prépondérante démontre que le travail d’éducateur à l’enfance l’expose à un contaminant au sens de la LSST, à savoir le SARS-CoV-2, qui cause la COVID.

Le TAT conclut toutefois que l’exposition au contaminant ne représente pas un danger pour le travailleur et qu’il ne peut bénéficier du droit au retrait préventif. 

En effet, même si selon la littérature médicale soumise il appert que les personnes atteintes d’une maladie rhumatismale ont plus de risques de contracter la COVID-19 que la population en général, celles-ci ne font pas face à un risque accru d’hospitalisation, de complications attribuables à la maladie ou de mortalité que la population en général.

Le TAT précise que le retrait préventif prévu à l’article 32 LSST ne trouve pas application lorsqu’une personne invoque un risque accru de contracter la COVID-19 ; cet article s’applique plutôt lorsqu’une personne invoque la probabilité de développer de graves complications en raison de celle-ci (comparativement à la population en général). 

Dans le cas de cet éducateur, le TAT conclut donc que la condition particulière qu’il invoque pour bénéficier d’un retrait préventif ne constitue un danger en vertu de l’article 32 LSST.

Mainguy et CPE Petits Murmures (T.A.T., 2021-04-23), 2021 QCTAT 2007, SOQUIJ AZ-51761932, 2021EXPT-958

Conseils pratiques

Dans la perspective d’un retour d’un plus grand nombre de salariés sur les lieux du travail, les employeurs peuvent s’attendre à recevoir des demandes d’accommodements et de retraits préventifs en lien avec la COVID-19.

Or, chacune de ces demandes devrait tout d’abord être appuyée d’un document médical recommandant le retrait exigé ou l’accommodement demandé. Nous vous rappelons qu’un employeur n’a pas à accommoder un employé qui n’est pas atteint d’un handicap ou d’une incapacité médicale documentée. Le processus d’accommodement débute toujours lorsque des limitations fonctionnelles claires ont été identifiées.

Ensuite, advenant le cas où le document médical fourni ne permet pas à l’employeur de prendre une décision quant au retrait exigé ou à l’accommodement demandé (ce document étant par exemple trop flou, ambigu ou incomplet selon l’analyse effectuée), des précisions peuvent être demandées au médecin traitant de l’employé.

L’objectif est, d’une part, de pouvoir traiter adéquatement chacune des demandes formulées, en s’assurant de prendre les mesures nécessaires eu égard au respect de la santé et de la sécurité de l’employé requérant et, d’autre part, d’éviter les abus.

En effet, tel qu’il appert de la décision résumée ci-haut, toute condition médicale documentée ne permettra pas nécessairement à un employé de bénéficier de mesures d’accommodements.