Les faits

Le plaignant, qui travaille chez l’employeur depuis quarante-deux (42) ans au moment des faits, détient plusieurs qualifications lui permettant d’occuper différents postes au sein de l’entreprise.

Quelques années plus tôt, le plaignant développe une grave maladie auto-immune pour laquelle il demeure en invalidité durant quelques mois, avant d’éventuellement retourner au travail sans limitation fonctionnelle. 

En février 2020, le plaignant subit une seconde période d’invalidité alors qu’il chute et se blesse à l’occasion de ses vacances. Le plaignant bénéficie à ce moment d’une entente de retraite progressive.

Alors qu’il est prêt à reprendre le travail quelques semaines plus tard, le plaignant se heurte à des portes closes puisque dans l’intervalle, le gouvernement du Québec décrète une urgence sanitaire liée à la pandémie mondiale de la COVID-19, forçant la fermeture de l’entreprise.

Bien que le plaignant soit rapidement rappelé au travail compte tenu de son ancienneté et de ses qualifications, ce dernier, se croyant immunosupprimé en raison de sa maladie et craignant pour sa vie s’il contracte la COVID-19, conclut avec l’employeur de retarder son retour au travail. En effet, le plaignant explique qu’il souhaite attendre un poste comportant des contacts limités avec le personnel.

Or, au cours du mois d’août 2020, le plaignant se ravise et communique avec l’employeur lui expliquant qu’il souhaite revenir au travail, peu importe que les fonctions soient isolées ou non ; il exprime son souhait le plus cher de faire ses adieux à ses collègues avant de prendre sa retraite définitive. 

Vers la mi-octobre, l’employeur s’entend donc avec le syndicat et un poste est proposé au plaignant. Ce dernier accepte la proposition et le retour au travail est prévu pour le lundi 9 novembre 2020.

Cependant, le vendredi précédent la date de retour convenue, le plaignant laisse un message vocal à l’employeur afin de lui signifier qu’il refuse finalement la proposition et qu’il recommuniquera probablement avec ce dernier le mardi suivant. Devant l’arbitre, le plaignant dira qu’il indique dans le message vocal qu’il ne peut retourner au travail en raison de sa condition médicale. 

Le vendredi 13 novembre, le plaignant, ne s’étant pas présenté au travail pendant plus de trois (3) jours et n’ayant pas recommuniqué avec l’employeur tel qu’annoncé, perd son ancienneté et son emploi conformément aux dispositions de la convention collective suivantes : 

« 9.05 Accumulation et perte d’ancienneté

Tout salarié accumule son ancienneté à moins qu’il ne la perde pour l’une des raisons suivantes :

(…)

3) s’il est absent pour plus de trois (3) jours ouvrables consécutifs sans aviser ou sans raisons valables. »

Le syndicat conteste cette décision par grief. 

La décision

L’arbitre débute en rappelant que le plaignant a été congédié administrativement, et que, dans ce cadre, son rôle se limite à s’assurer que les prescriptions de la convention collective ont été suivies et que la décision de l’employeur n’est pas empreinte d’une conduite abusive, arbitraire ou discriminatoire. 

En lien avec les prescriptions de la convention collective, l’arbitre note que celle-ci prévoit qu’un salarié perd son ancienneté (1) s’il est absent pour plus de trois jours ouvrables consécutifs (2) sans aviser ou sans raisons valables.

L’arbitre constate que la première condition est rencontrée, puisque plus de trois (3) jours d’absence se sont écoulés entre la date de retour prévue au travail et la date de fin d’emploi.

Relativement à la deuxième condition, l’arbitre note que le plaignant avise l’employeur de son intention de ne pas se présenter au travail dès le vendredi 6 novembre 2020 en lui laissant un message téléphonique. La question qui demeure est donc de déterminer si le plaignant avait « une raison valable » en l’espèce.

D’emblée, l’arbitre ne retient pas la version du plaignant selon laquelle sa condition médicale était la raison première de son refus de se présenter au travail. En effet, à la lumière du message téléphonique mis en preuve, la raison pour laquelle le plaignant refusait de revenir au travail était, en réalité, que le poste offert ne lui convenait tout simplement pas, et ce, malgré l’avoir préalablement accepté.

À ce sujet, l’arbitre rappelle que la tâche offerte était pourtant le fruit de tractations entre l’employeur et le syndicat, qui ont tenté de ramener le plaignant au travail à sa propre demande.

En lien avec l’argument du plaignant selon lequel il est immunosupprimé, l’arbitre constate qu’aucune attestation médicale à cet effet n’a été fournie à l’employeur, sans oublier que le plaignant était autorisé dès le début de la pandémie à reprendre le travail, mais que c’est seulement en raison de la fermeture de l’entreprise qu’il en a été empêché. Pour l’arbitre, l’anxiété découlant d’une condition médicale avérée ou non, n’est pas un motif valable si elle n’est pas appuyée par une attestation quelconque et encore moins si elle n’est pas communiquée à l’employeur.

En vertu de la clause de la convention collective, l’arbitre rappelle que le seul fait de donner un avis à l’employeur d’absence de plus de trois (3) jours consécutifs de travail n’est pas suffisant s’il n’est pas accompagné d’une excuse raisonnable. 

Dès lors, les conditions d’application de la clause de perte d’ancienneté et d’emploi étant réunies, l’arbitre conclut que l’employeur pouvait l’exercer et ne constate aucune circonstance constituant un abus de droit, une conduite arbitraire ou discriminatoire qui justifierait son intervention. 

L’arbitre conclut en mentionnant que l’employeur aurait pu, certes, communiquer avec son employé ou encore le syndicat avant de prendre sa décision, mais qu’il n’y était pas obligé et que ce serait d’ajouter à la convention collective que de forcer l’employeur à le faire.

Conseils pratiques

Dans la perspective d’un retour sur les lieux du travail, les employeurs peuvent s’attendre à recevoir de la part des employés des demandes d’accommodements ou encore faire face à des refus de reprendre le travail en raison de la COVID-19.

Or, à défaut de recevoir un document médical au soutien du refus allégué ou de la demande présentée, nous vous rappelons que l’employeur n’a pas à accommoder un employé.

Dans ce contexte, même en présence d’une condition médicale avérée, les employeurs peuvent être justifiés d’imposer des mesures administratives et même disciplinaires à l’endroit de leurs salariés, lesquels refusent de se présenter au travail alors qu’ils n’ont pas remis une attestation médicale au soutien de l’accommodement demandé. 

Bien entendu, l’employeur devra s’assurer, avant de se faire, que le milieu de travail est effectivement sécuritaire, soit que l’organisation du travail se fait dans le respect des différentes mesures sanitaires.