Les faits

Au printemps 2020, les mesures gouvernementales visant à freiner la pandémie de COVID-19 retardent l’ouverture d’un club de golf. Face à l’éventualité que la saison soit retardée, voire annulée, l’employeur restructure ses opérations pour limiter les conséquences appréhendées. Pour y arriver, il évalue ses besoins de main-d’œuvre à huit salariés. 

Autour du 11 mai, le directeur général obtient l’information privilégiée qu’un scénario permettant l’ouverture des clubs de golf à partir du 20 mai est en discussion. En vue de l’ouverture potentielle imminente, huit salariés supplémentaires sont rappelés au travail, dont les deux plaignants visés par le grief. 

Le 20 mai suivant, l’employeur est effectivement autorisé à reprendre ses activités sous certaines conditions. La saison se poursuit jusqu’au 24 octobre suivant, représentant une période de vingt-sept semaines régulières de travail consécutives pour les deux plaignants.

Dans cette affaire, les parties sont liées par une convention collective dont la clause 15.09 a) établit le nombre de semaines minimales auxquelles les préposés à l’entretien ont droit, selon leur ancienneté :

15.09 a)

Chaque année d’opérations, l’Employeur garantit une période minimale de vingt-huit (28) semaines régulières de travail consécutives aux dix (10) salariés de la classification « préposé à l’entretien » ayant le plus d’ancienneté.

Si l’un de ces salariés renonce à ce droit, la garantie est offerte au salarié suivant dans l’ordre d’ancienneté.

Par son grief, le syndicat soutient que la période de travail minimale de vingt-huit semaines garanties n’a pas été respectée par l’employeur. Le syndicat réclame que l’employeur les indemnise pour le déficit résultant de cette décision. 

De son côté, l’employeur évoque que la pandémie constitue une situation de force majeure, le détachant donc de sa responsabilité prévue à la clause 15.09 a). 

La décision

D’abord, l’arbitre ne conteste pas le fait que la pandémie de COVID-19 et les mesures prises par le gouvernement visant à assurer la protection de la population répondent à la définition de force majeure. 

L’arbitre remet plutôt en question la garantie à laquelle s’est engagé l’employeur à la clause 15.09 de la convention, soit un minimum de vingt-huit semaines régulières de travail aux dix salariés de la classification « préposé à l’entretien » ayant le plus d’ancienneté.

En effet, bien qu’il ne soit pas contesté que l’on se trouve dans une situation de force majeure, laquelle permet, de façon générale, de passer outre certaines obligations auxquelles une partie s’est engagée, l’arbitre souligne que l’intensité de l’obligation à laquelle a souscrit l’employeur à la clause 15.09 de la convention ne lui permet pas de le faire, l’employeur ayant « garanti » un minimum de semaines de travail à un certain nombre de salariés.

L’arbitre soutient que l’obligation de garantie met à la charge de l’employeur les risques que peut entraîner la survenance d’un événement imprévisible et irrésistible, comme la pandémie de COVID-19

Pour tout ce qui précède, l’arbitre ordonne à l’employeur de rémunérer les deux plaignants pour une semaine régulière de travail.

Conseils pratiques

Cette décision rappelle, d’une part, que la situation pandémique liée à la COVID-19 constitue une force majeure.

D’autre part, même dans ces circonstances exceptionnelles, puisque l’employeur a souscrit à une obligation de garantie à un article particulier de la convention, il ne peut se défaire de ses engagements quant à cet article précis.

Par exemple, si la clause avait été rédigée autrement, telle que « Les salariés travaillent minimalement 28 semaines consécutives par saison », la défense de force majeure aurait pu être invoquée par l’employeur, ce dernier n’ayant pas « garanti » un nombre précis de semaines. Tout est dans la façon dont les parties rédigent les dispositions d’une convention collective ou d’un contrat de travail.

Il est donc important de porter une attention particulière aux termes utilisés lorsque vient le temps de rédiger de telles clauses.