Dans un jugement récent[1], la Cour d’appel a infirmé un jugement de la Cour supérieure[2] pour confirmer la constitutionnalité du régime de négociation des ressources intermédiaires et de type familial.
La Cour d’appel a notamment conclu que l’interdiction de faire la grève imposée à ces ressources ainsi que d’autres restrictions à leurs négociations collectives ne contrevenaient pas aux Chartes canadienne et québécoise.
Le contexte
L’arrêt de la Cour d’appel concerne la validité de certains articles de la Loi sur la représentation des ressources de type familial et de certaines ressources intermédiaires et sur le régime de négociation d’une entente collective les concernant[3] (la « LRR »). Cette loi établit le régime de négociation d’ententes collectives pour les ressources intermédiaires et les ressources de type familial (les « Ressources ») au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[4] (la « LSSSS »). Selon les représentants des Ressources, certains articles de la LRR entravent leur liberté d’association et enfreignent les Chartes.
Le jugement de la Cour supérieure
La Cour supérieure déclare que les articles 46 et 53 de la LRR sont inconstitutionnels puisqu’ils interdisent aux Ressources le droit de faire la grève, en le substituant à un mécanisme de règlement des différends.
La Cour supérieure considère que l’interdiction de négocier collectivement l’ensemble des aspects relatifs à la rémunération et la durée des accords spécifiques constitue une atteinte substantielle au droit de négociation collective, ces éléments étant des conditions de travail essentielles. Par ailleurs, l’article 37, paragraphe 2 de la LRR, qui interdit les ententes spécifiques entre les Ressources et les établissements de santé, a un impact majeur sur le pouvoir de négocier. Ainsi, bien que les Ressources soient qualifiées de prestataires de services (selon les articles 2098 et 2099 du Code civil du Québec[5]), leur statut de personnes isolées et vulnérables justifierait l’application du régime de négociation collective, incluant leur droit de faire la grève.
En conséquence, la Cour supérieure déclare inconstitutionnels les paragraphes 33 (1) et 37 (2) de la LRR (en combinaison avec les articles 55, 62 et 63 de la LRR), injustifiés dans une société libre et démocratique.
Finalement, la Cour supérieure suspend les effets de ses déclarations d’inconstitutionnalité pendant un an, afin de permettre à l’État d’examiner les solutions possibles.
L’arrêt de la Cour d’appel
La Cour d’appel se penche sur l’étendue de la liberté d’association que les Chartes octroient aux salariés et les différences applicables avec les prestataires de service.
En d’autres mots, la Cour d’appel analyse si les Ressources, en étant prestataires de services, peuvent revendiquer le droit spécifique à un processus de négociation collective, similaire à celui des salariés. La Cour d’appel conclut plutôt que le droit de faire la grève ne s’applique pas pour les Ressources (prestataires de service), puisque ce droit vise à protéger les salariés soumis au lien de subordination qui existe avec leur employeur et qui n’existe pas pour les prestataires de services.
L’argument selon lequel les Ressources, en tant que personnes vulnérables, devraient être protégées, n’a pas été retenu par la Cour d’appel.
La Cour d’appel souligne qu’en vertu de la LRR, les Ressources jouissent par ailleurs de la liberté d’association et qu’en conséquence, même sans être titulaires du droit de grève, elles peuvent faire efficacement valoir leurs revendications.
[1] Procureur général du Québec c. Centrale des syndicats démocratiques (CSD), 2025 QCCA 216.
[2] Centrale des syndicats démocratiques (CSD) c. Procureur général du Québec, 2022 QCCS 1468.
[3] RLRQ, c. R-24.0.2.
[4] RLRQ, c. S-4.2.
[5] RLRQ, c. CCQ-1991.