Faits

L’Employeur dépose des griefs patronaux réclamant au syndicat le remboursement des frais d’expertise qu’il a dû assumer pour deux (2) salariés, malgré le fait que ceux-ci ne se sont jamais présentés à l’expertise pour laquelle ils étaient chacun cédulés. La première salariée s’est présentée en retard à son rendez-vous parce qu’elle s’était endormie, et le deuxième salarié a avisé l’Employeur le jour même qu’il serait absent en mentionnant uniquement qu’il ne pouvait s’y rendre parce qu’il n’avait pas reçu ses prestations d’assurance-salaire.

La convention collective, liant les parties, prévoit que c’est l’Employeur qui assume les frais de l’expertise médicale qu’il requiert.

Motifs

L’arbitre fait d’abord état des deux courants jurisprudentiels existant en matière de remboursement de frais médicaux : l’un est fondé sur l’article 1457 C.c.Q. (sur les principes de la responsabilité civile) alors que l’autre repose sur les exigences de la bonne foi. Le premier courant prévoit que sans motif valable justifiant l’absence/le retard, le salarié devra rembourser les frais encourus par l’Employeur ; il compense ainsi les dommages prévisibles subis par l’Employeur. Le second courant prévoit qu’il faudra, pour faire assumer les frais au salarié, la démonstration d’un abus de droit, d’un comportement malicieux ou de la mauvaise foi de sa part.

L’arbitre souligne qu’en présence d’une disposition comme celle que l’on retrouve à la convention collective, l’Employeur qui souhaite obtenir le remboursement des frais encourus pour l’expertise qu’il requiert devra démontrer qu’il est dans un cas d’exception, lui permettant de s’écarter de la règle générale.

L’arbitre privilégie alors le deuxième courant fondé sur les exigences de la bonne foi :

« En ce sens, un salarié qui empêche la réalisation de l’évaluation médicale requise par l’Employeur en agissant dans le but de nuire ou de manière excessive ou déraisonnable ne respectera pas les exigences de la bonne foi et pourra être tenu de rembourser les frais encourus par l’Employeur du fait de son geste. »

Appliquant ces principes à l’espèce, l’arbitre conclut que pour ce qui est de la salariée qui s’est endormie, elle ne doit pas rembourser les frais encourus : son témoignage est clair et cohérent, elle explique également que c’est en raison de sa médication qu’elle s’est endormie. Elle a tenté de rejoindre le médecin et s’est même rendue sur les lieux, malgré son retard. Elle s’est également présentée, à la demande de l’Employeur, à une évaluation « de remplacement ». Il n’y a donc pas de preuve de malice ou de mauvaise foi ; la salariée a plutôt démontré de la bonne foi tout au long du processus.

Quant au second salarié, il devra assumer les frais encourus par l’Employeur. Il ne se présente pas à son rendez-vous, il n’appelle pas directement la responsable des RH pour l’aviser, mais laisse un message imprécis sur sa boîte vocale, il n’est pas possible de le rejoindre par téléphone par la suite, etc. L’arbitre mentionne qu’il aurait pu aviser l’Employeur à l’avance afin de lui dire qu’il ne pourrait pas se présenter à l’expertise, ce qu’il n’a pas fait, ou qu’il aurait pu discuter avec lui d’autres alternatives.

L’arbitre conclut donc que « M. n’avait pas l’intention de se rendre à ce rendez-vous et […qu’] il a délibérément empêché la réalisation de son évaluation médicale l’ensemble de la preuve est suffisant pour conclure que le motif avancé par le salarié n’est ni raisonnable ni valable et témoigne d’une insouciance grave qui ne correspond pas au comportement d’une personne raisonnable placée dans la même situation. »

Voir : Université du Québec à Montréal et Syndicat des employés de l’UQAMSCFP, section locale 1294 (griefs patronaux), 2016 QCTA 375.