Dans l’Arrêt Veilleux c. ICAR inc.[1], Jean-François Veilleux (« Veilleux ») et sa société, Gemini Autosport inc. (« Gemini ») demandent que soit infirmé le jugement rejetant la demande introductive d’instance présentée contre ICAR inc. (« ICAR »)[2]. Veilleux se plaint de la résiliation unilatérale du Protocole d’entente préliminaire (le « Protocole ») entre ICAR et lui. Il réclame alors le paiement de son salaire, son indemnité de vacances et ses frais d’essence qu’il aurait reçus jusqu’à l’arrivée du terme (la « valeur résiduelle »), en sus de dommages-intérêts. 

Le contexte et les faits pertinents

En février 2008, ICAR utilise les services de Veilleux comme « directeur académique » du club privé de course automobile. Veilleux demande que le contrat soit d’une durée déterminée de trois (3) ans. L’entente est acceptée entre les parties. La durée du contrat, la rémunération de Veilleux, le paiement d’une prime de rendement et les avantages sociaux sont prévus dans le Protocole. Dès lors, malgré la mention de protocole préliminaire, aucun autre contrat écrit ne sera signé entre eux. Veilleux signe alors ce Protocole à titre personnel seulement.

À la suite de cette signature, Veilleux demande à ICAR de verser son salaire sous forme d’honoraires facturés à Gemini. En effet, Veilleux offre des services d’enseignement et de démonstration dans le domaine de la course automobile. Certes, son comptable lui conseille d’incorporer son entreprise dans les années 2000. Gemini émet donc des factures à ses clients à titre de prestataire de services. ICAR accepte la demande de Veilleux, cette entente est conclue verbalement.

En raison de sa difficulté financière et du manque d’engouement pour le club de course automobile, ICAR décide de remercier Veilleux. 

Le jugement de la Cour supérieure

En première instance, la juge doit trancher concernant la qualification du contrat entre Veilleux et ICAR, c’est-à-dire entre un contrat de service ou un contrat de travail. À cet égard, la qualification du contrat a un impact financier important sur les parties.

La juge rejette la demande de Veilleux et conclut que le Protocole est un contrat de service. Elle ajoute qu’aucun abus de droit n’a été commis et que toutes les sommes avant la résiliation ont été payées. De ce fait, rien ne justifie le paiement des dommages-intérêts moraux et d’honoraires professionnels. 

La Cour retient la preuve que les parties ont verbalement modifié le Protocole passant d’un contrat de travail à durée déterminée à un contrat de service permettant ainsi de résilier le contrat unilatéralement suite à la demande de Veilleux.

L’Arrêt de la Cour d’appel

Dans cet arrêt, Veilleux et Gemini prétendent que la Cour supérieure a commis une erreur centrale au niveau de la qualification du contrat. Pour eux, il s’agissait plutôt d’un contrat de travail, et non d’un contrat de service.

Or, la Cour d’appel n’est pas de cet avis. 

Elle précise à cet égard que la modification du Protocole n’a jamais été imposée à Veilleux, mais qu’il s’agit plutôt de sa propre demande. La Cour d’appel conclut que Veilleux voulait profiter des avantages fiscaux qu’offre la constitution d’une société. Elle ajoute que dans certaines circonstances exceptionnelles, une personne morale peut être qualifiée de salariée, notamment lorsque l’existence de celle-ci n’est qu’un subterfuge ou un paravent exigé par l’employeur pour contourner ses obligations envers ses employés[3]. La Cour d’appel énonce également qu’il n’est pas permis d’utiliser les avantages qu’offre la constitution d’une société et de soustraire les désavantages reliés à celle-ci[4].

La Cour d’appel conclut donc qu’en raison de l’absence de circonstances exceptionnelles, la juge de première instance n’a pas erré dans sa décision en qualifiant le Protocole de contrat de service.

La résiliation unilatérale du contrat de service empêche donc Veilleux et Gemini d’avoir droit à la valeur résiduelle du contrat. De surcroît, Veilleux n’a pas été congédié ; la juge de première instance n’a donc pas commis d’erreur en refusant d’octroyer des dommages-intérêts à ce dernier. 

Pour ces motifs, l’appel est rejeté avec les frais de justice. 


[1] 2024 QCCA 1057

[2] Veilleux c. ICAR inc., 2022 QCCS 4962

[3] Conseillers en informatique d’affaires CIA inc. c. 4108647 Canada inc., 2012 QCCA 535, paragr. 35 – 38

[4] Id.

Quoi retenir de cet arrêt

Comme mentionné précédemment, tant la Cour supérieure que la Cour d’appel mettent l’accent sur le fait que c’est Veilleux qui a demandé à ICAR de fournir ses services par l’entremise de Gemini, et non l’inverse. C’est lui qui voulait bénéficier des avantages fiscaux liés à cette façon de faire, ce que ICAR a tout simplement accepté. 

A contrario, les conclusions de la Cour d’appel auraient possiblement été différentes dans l’optique où ICAR avait imposé cette modification du Protocole à Veilleux, ou avait insisté fortement pour que Veilleux lui transmette des factures par l’entremise de sa corporation. Dans une telle situation, la Cour supérieure et la Cour d’appel auraient pu soulever la présence d’un subterfuge utilisé par ICAR afin d’éluder les lois applicables.