Dionne c. Commission scolaire des Patriotes, 2014 CSC 33.
Le 1er mai dernier, huit ans après sa demande de prestations en raison d’un retrait préventif, la Cour suprême du Canada donne raison à une enseignante suppléante dans une décision unanime où elle renverse les jugements de tous les tribunaux inférieurs s’étant penchés sur sa cause.
Mise en contexte
L’enseignante était inscrite sur la liste de rappel de la commission scolaire pour effectuer de la suppléance. Après avoir appris de son médecin qu’elle était vulnérable à des virus contagieux susceptibles d’être propagés par les enfants, elle a fait une demande auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la « CSST ») afin de bénéficier du programme « Pour une maternité sans danger ». Suivant l’avis de son médecin, elle a refusé d’effectuer les contrats de suppléance qui lui avaient été offerts par la commission scolaire.
La demande de prestations est d’abord accordée par la CSST mais la Commission scolaire en appelle de cette décision à la Commission des lésions professionnelles (la « CLP »). La CLP décide que l’enseignante n’est pas admissible au programme parce qu’aucun contrat de travail n’avait pu être conclu entre elle et la commission scolaire. La Cour supérieure juge la décision raisonnable, ce qui est confirmé par la majorité des juges de la Cour d’appel. Le raisonnement de la CLP était essentiellement basé sur la notion de « travailleur » au sens de la Loi, laquelle exige la présence d’un contrat de travail.
Le jugement de la Cour suprême
Le jugement de la Cour suprême rappelle d’abord que le but visé par les dispositions pertinentes de la Loi sur la santé et la sécurité du travail est de permettre à une travailleuse enceinte de ne pas avoir à choisir entre la sécurité d’emploi et sa santé et sécurité ou celles de son enfant à naître. La Cour se dit d’avis que la conclusion de la CLP fait échec aux objectifs du régime législatif.
Selon la Cour, un contrat de travail a été formé lorsque l’enseignante a accepté l’offre de suppléance de la commission scolaire. En conséquence, elle est donc couverte par la définition de « travailleur » au sens de la Loi. Pour la Cour, « Le droit que la loi confère à une travailleuse enceinte de se retirer d’un lieu de travail dangereux ne permet pas de conclure que son retrait préventif fait obstacle à la formation du contrat de travail. » Elle mentionne aussi que toute autre conclusion pénaliserait les femmes enceintes qui font précisément ce que prescrit le régime, soit d’éviter les risques pour la santé sur les lieux de travail pendant la grossesse.
La grossesse n’est donc pas une incapacité empêchant une travailleuse enceinte d’exécuter son travail, c’est plutôt le lieu de travail « dangereux » qui l’en empêche.