La Cour suprême a rendu aujourd’hui un jugement en vertu duquel elle considère fondamental le droit des salariés syndiqués de faire la grève.
En 2007, le nouveau gouvernement de la Saskatchewan a légiféré, en adoptant entre autres le Public Service Essential Services Act, pour notamment interdire le droit de faire la grève aux salariés du secteur public qui assurent des services essentiels. En 2008, des syndicats ont contesté la constitutionnalité de cette loi en alléguant qu’elle entravait substantiellement l’exercice des droits que garantit l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui mentionne que chacun bénéficie de la liberté fondamentale d’association.
Le juge de première instance a donné raison aux syndicats, une décision ensuite renversée par la Cour d’appel de cette province. Saisie de la question, la Cour suprême a décidé aujourd’hui, dans un jugement majoritaire à 5 contre 2, de rétablir la décision du premier juge.
En somme, la Cour souligne que, pour les salariés syndiqués, le droit de grève constitue un élément essentiel, voire indispensable, d’un processus véritable de négociation collective. « Advenant la rupture de la négociation de bonne foi, la faculté de cesser collectivement le travail est une composante nécessaire du processus par lequel les salariés peuvent continuer de participer véritablement à la poursuite de leurs objectifs liés au travail », écrit-elle.
La Cour suprême admet que l’ininterruption des services publics essentiels constitue un objectif urgent et réel. Cependant, elle affirme que le pouvoir unilatéral de « l’employeur public » de décider que des services essentiels seront assurés durant un arrêt de travail et de déterminer la manière dont ils le seront, à l’exclusion de tout mécanisme de contrôle approprié comme un véritable mécanisme de règlement des différends, justifient de conclure que cette nouvelle loi porte atteinte plus qu’il n’est nécessaire au droit garanti par la Charte. Elle doit donc être réécrite.
Les deux juges minoritaires sont radicalement d’avis contraire. Selon eux, le droit de grève n’est pas une composante indispensable du droit à la négociation collective. Ils vont même jusqu’à affirmer que de conférer la protection constitutionnelle au droit de grève est de nature à créer une grande incertitude dans le monde du travail !
Il sera fort intéressant d’analyser les éventuelles répercussions qu’aura ce jugement au Canada, et particulièrement au Québec, où depuis plus de trente ans le Code du travail comporte des dispositions restreignant le droit de grève de salariés affectés à des services publics et de ceux des secteurs public et parapublic.
Référence : Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, 2015 CSC 4