Tout récemment, dans l’affaire Société canadienne des postes et Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 21 novembre 2013, AZ-51022156, Me Harvey Frumkin a rendu une décision portant sur le droit de l’employeur d’interdire le port du carré rouge à ses employés. Dans cette affaire, l’employeur a imposé une suspension d’une journée au plaignant, un facteur, en raison du port du carré rouge sur son uniforme pendant son itinéraire à l’extérieur des bureaux. Ce geste était contraire à une directive en vigueur chez l’employeur, laquelle faisait suite à la réception de plaintes de clients concernant le port du carré rouge par certains de ses employés.
Le plaignant a donc déposé un grief à l’encontre de la mesure disciplinaire qui lui a été imposée, invoquant qu’elle était déraisonnable en plus de constituer une atteinte à sa liberté d’expression et d’opinion.
Dans le cadre de son analyse, l’arbitre relate le contexte des manifestations publiques s’étant déroulées au printemps 2012, lesquelles visaient à faire pression sur le gouvernement contre sa décision d’augmenter les frais de scolarité. Il rappelle l’existence d’une polarisation des opinions et des points de vue quant au bien-fondé ou non de la décision du gouvernement et le fait que le carré rouge est devenu le symbole du mouvement politique opposé à cette décision. Par ailleurs, l’arbitre note que la directive de l’employeur se limitait aux employés traitant avec le public et ce, afin d’éviter que celui-ci n’associe la Société canadienne des postes à l’un ou l’autre des courants d’opinion au sujet de la polémique en cours. La Société canadienne des postes souhaitait afficher une neutralité dans ce débat.
L’arbitre rappelle que la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît la liberté de pensées, de croyances, d’opinion et d’expression. Toutefois, mentionne-t-il, ces libertés ne sont pas absolues. Il souligne que le plaignant, en l’espèce, ne réclamait pas seulement un droit à la liberté d’expression de ses idées ou de ses opinions : il revendiquait plutôt, directement, un droit d’adopter une position qui pouvait très bien avoir pour effet d’associer son employeur à un point de vue sur la question politique très controversée de l’augmentation des frais de scolarité. L’arbitre considère comme un élément très important le fait que le facteur soit en contact avec le public.
L’arbitre rejette donc le grief et confirme le bien-fondé de la suspension d’une journée.