Québec (Commission des normes du travail) c. Asphalte Desjardins inc., 2014 CSC 51, une décision du 25 juillet 2014.
Vous vous souvenez peut-être qu’en mars 2013, nous vous informions que la Cour d’appel venait tout juste de rendre un jugement en vertu duquel elle déclarait qu’un employeur pouvait renoncer au préavis de démission que lui remettait un salarié. En d’autres mots, elle écrivait qu’il était loisible à un employeur de mettre fin sans délai à l’emploi d’un salarié qui l’informait de sa démission effective à une date ultérieure qu’il avait fixée.
La Cour d’appel mentionnait alors que ce préavis était un « bénéfice » auquel pouvait renoncer un employeur.
La Cour suprême du Canada n’est aujourd’hui pas de cet avis ! En effet, elle statue que parce que l’employeur, Asphalte Desjardins, termine l’emploi de son salarié avant que sa démission ne devienne effective (trois semaines plus tard), ce dernier doit alors être indemnisé.
La Cour se fonde notamment sur l’article 2091 du Code civil du Québec qui prévoit qu’une partie à un contrat de travail à durée indéterminée (l’employeur ou le salarié) doit donner à l’autre un délai de congé raisonnable avant de mettre fin unilatéralement au contrat. Ainsi, tant que leur relation d’emploi n’est pas effectivement terminée, chaque partie au contrat de travail doit se conformer aux obligations qui lui incombent. En choisissant de ne pas se prévaloir de ce délai de congé (du préavis de démission) et en exigeant le départ immédiat de son salarié, l’employeur ne rencontre ainsi plus ses obligations contractuelles.
Selon la Cour suprême, puisque c’est plutôt maintenant l’employeur qui met unilatéralement fin au contrat de travail, il déclenche cette fois l’application des articles 82 et 83 de la Loi sur les normes du travail, qui prévoient l’octroi du préavis de fin d’emploi qui y est mentionné (ou d’une indemnité en tenant lieu). Ce préavis statutaire est uniquement fonction de la durée de service continu du salarié au sein de l’entreprise.
En l’espèce, le salarié avait droit à un préavis statutaire de 4 semaines. Or, il ne réclamait que les 3 semaines correspondant à son préavis de démission. La Cour aurait-elle pu ordonner le paiement de 4 semaines de salaire basé sur les articles 82 et 83 ? Bien qu’elle ne se prononce pas explicitement sur la question, nous osons croire que non.