Faits

En juillet 2005, Montréal Gateway Terminals (« MGT ») instaure une politique qui rend obligatoire le port du casque de sécurité pour les camionneurs accédant aux terminaux qu’elle exploite au Port de Montréal. Trois camionneurs de religion sikhe, travaillant pour des entreprises privées, demandent à être exemptés de l’application de cette politique, au motif que leurs croyances religieuses ne leur permettent pas de porter un casque protecteur par-dessus leur turban. 

Une première mesure d’accommodement, mise en place de 2005 à 2008 à l’initiative de MGT, visait à confier à un vérificateur les tâches que le camionneur devait exécuter à l’extérieur de son camion. De cette façon, le conducteur de religion sikhe restait à l’intérieur de son véhicule tout au long de son passage à l’un des terminaux opérés par MGT et n’avait pas à porter de casque de sécurité. Cette mesure s’est toutefois avérée insatisfaisante tant pour l’entreprise que pour les camionneurs de religion sikhe. 

D’une part, ces derniers se plaignaient des délais notables occasionnés par l’attente de la disponibilité d’un vérificateur. D’autre part, l’entreprise voyait la productivité des vérificateurs affectée par ces tâches additionnelles, ce qui n’était pas sans entraîner des coûts importants. 

Les trois camionneurs contestent la politique de MGT devant la Cour supérieure, en invoquant être victimes de discrimination fondée sur la religion.

Décision

La Cour analyse d’abord le caractère discriminatoire de la politique. Elle conclut qu’il existe une discrimination prima facie, car les demandeurs sont touchés d’une manière différente par rapport aux autres personnes visées par la politique. En effet, il est impossible pour les camionneurs de religion sikhe de porter le casque de sécurité sans contrevenir à leurs croyances religieuses. Ce faisant, la politique compromet leur droit à l’égalité dans l’exercice de leur liberté de religion et est donc discriminatoire.

La Cour estime cependant que l’entreprise a réussi à démontrer que sa politique constituait une exigence professionnelle justifiée. 

Tout d’abord, l’objectif d’assurer la sécurité des camionneurs était tout à fait légitime, surtout compte tenu de la nature des activités de l’entreprise et des risques de blessures à la tête présents dans cet environnement de travail. 

Ensuite, la norme du port du casque protecteur était raisonnablement nécessaire. Il en est ainsi parce qu’en l’espèce, il n’existe pas d’autre solution de rechange permettant à l’employeur de respecter ses obligations légales et règlementaires en matière de santé et de sécurité au travail. Qui plus est, la seule mesure d’accommodement envisagée et appliquée pendant trois années s’était avérée une contrainte excessive pour l’employeur.

La Cour rappelle également que l’obligation de collaborer incombe à toutes les parties, lors de la réalisation d’un exercice d’accommodement. À cet égard, les demandeurs ne pouvaient se contenter d’exiger une exemption complète de la politique, sans suggérer de pistes de solution. La Cour rejette ainsi leur action. 

Voir : Singh c. Montréal Gateway Terminals Partnership (CP Ships Ltd./Navigation Cp ltée), 2016 QCCS 4521, déclaration d’appel déposée le 19-10-2016

À retenir

Cette décision est intéressante, car elle démontre que les obligations légales imposées à l’employeur par les lois et règlements en matière de santé et de sécurité du travail sont pertinentes dans l’analyse d’une contrainte excessive, plus particulièrement lorsqu’aucune mesure envisageable ne permet pas d’accommoder les salariés tout en assurant la protection de leur santé et de leur sécurité. 

Il faut toutefois garder à l’esprit que chaque demande d’accommodement doit faire l’objet d’une évaluation particularisée à la situation du demandeur et de l’entreprise concernée. Par conséquent, il n’existe pas d’automatisme en la matière et les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail ne l’exemptent pas de se soumettre à une démarche sérieuse d’accommodement. Précisons en terminant qu’une déclaration d’appel a été déposée à la Cour d’appel du Québec le 19 octobre dernier. Nous vous tiendrons informés des développements.