Les faits
Alors qu’elle est en congé parental sans traitement, une employée, qui est avocate au Centre communautaire juridique de Montréal, présente une demande afin de bénéficier d’un congé à traitement différé. L’Employeur refuse sa demande, ce que le Syndicat conteste par voie de grief.
L’Employeur prétend qu’il a discrétion pour accorder un tel congé et que la décision fût prise pour la saine gestion des finances publiques. Contrairement au congé parental sans solde, un congé à traitement différé entraîne des coûts non négligeables liés au Régime de retraite pour l’employeur.
Pour sa part, le Syndicat soutient qu’un employé en congé parental ne devrait pas être pénalisé et se voir refuser un droit dont il aurait bénéficié, n’eût été son congé parental. Il soutient que le refus de l’Employeur équivaut à un refus de permettre à l’Employée d’exercer son droit de mettre fin au congé parental lorsqu’elle le désire. Dernièrement, il invoque que l’Employée est victime de discrimination au sens de la Charte des droits et libertés de la personne puisque selon eux, le refus découle de la grossesse de cette dernière.
La décision
a) Le droit au congé à traitement différé
Dans un premier temps, le Tribunal d’arbitrage (ci-après Tribunal) examine la convention collective pour déterminer si l’Employée avait droit au congé à traitement différé.
Or, la convention collective prévoit clairement que l’employé peut « demander par écrit » un tel congé, mais qu’«il appartient à l’employeur d’accepter l’option choisie par l’avocat et de déterminer l’une et l’autre de ses dates » et que l’«entente doit contenir(…)». Le Tribunal retient que le processus débute par une demande, que l’employeur doit accepter l’option choisie par l’employé et déterminer les dates du congé. Rien n’indique que l’Employeur soit obligé d’accepter une telle demande. Il y a donc volonté d’accorder un pouvoir discrétionnaire à l’employeur.
Le Tribunal juge que ceci devient particulièrement apparent lors d’une comparaison avec les articles afférents aux autres congés puisqu’on y retrouve des termes qui démontrent que l’employé a un droit absolu à certains de ceux-ci sans marge de manœuvre pour l’Employeur. On y retrouve l’utilisation de termes comme « a droit à un congé…», « l’avocat peut s’absenter », « le congé (…) est accordé» ; « employeur ne peut refuser cet aménagement ».
Le Tribunal donne donc effet à la formulation différente voulu par les parties et détermine que l’Employeur pouvait refuser la demande de congé à traitement différé.
Il est important de noter que le Tribunal déclare qu’être en congé parental sans traitement ne peut pas rendre un employé inadmissible à obtenir un congé avec traitement différé puisque conformément à la Loi sur les normes du travail, un employé se prévalant de ses droits parentaux a les mêmes droits que les autres employés. Dans notre cas, l’Employée pouvait donc demander un congé à traitement différé, mais l’Employeur avait le pouvoir de l’accorder ou non.
b) Contrôle de la décision de l’Employeur par le Tribunal
En l’espèce, le Tribunal considère qu’il n’a pas le pouvoir d’analyser la validité des motifs invoqués au soutien du refus d’accorder le congé, puisque la convention collective ne précise pas que l’Employeur doit avoir des motifs valables pour ce faire. Le Tribunal peut toutefois intervenir en cas de refus injuste, abusif ou discriminatoire.
Dans les faits, le Tribunal considère que l’Employeur s’est interrogé sur l’opportunité d’accéder à cette demande et a conclu que comme l’Employée bénéficiait déjà d’un congé pour être auprès de son enfant, le but ultime était de transformer le congé sans solde en congé payé. Comme une telle transformation aurait entraîné une dépense de fonds publics de plus de 10 000 $, dans un contexte d’austérité budgétaire gouvernementale, le Tribunal juge que la décision de l’Employeur n’est ni abusive ni arbitraire.
La décision a été prise sur la base de considérations qui auraient été les mêmes pour n’importe quel autre employé qui tentait de transformer un congé sans solde en congé à traitement différé.
Finalement, le Tribunal juge que l’exercice du droit parental n’est pas un motif de discrimination visé par l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne comme l’est la grossesse ou l’état civil. Le Tribunal détermine que la décision de l’Employeur n’était pas empreinte de discrimination fondée sur la grossesse.
Référence : Centre communautaire juridique de Montréal et Syndicat des avocats de l’aide juridique de Montréal 2016 QCTA 668.