Bien que ce qui concerne les lésions professionnelles relève de la CSST, un arbitre nommé en vertu d’une convention collective conserve juridiction pour statuer sur l’interprétation et l’application des dispositions d’une convention lorsqu’elles prévoient des conditions plus avantageuses que celles contenues à la LATMP, notamment en lien avec la réadaptation et le retour au travail d’un salarié victime d’une lésion professionnelle.

Voilà le constat que dresse la Cour d’appel dans Université McGill c. McGill University Non Academic Certified Association, rappelant toutefois que l’arbitre est lié par les déterminations effectuées par la CSST en vertu de sa compétence exclusive.

Les faits

L’employé, un technicien en communications, subit une lésion professionnelle qui engendre des limitations fonctionnelles permanentes.

La CSST rend une décision à l’effet que l’employé n’a plus la capacité d’occuper son emploi pré-lésionnel. Elle décide également que dans l’éventualité où il n’existe aucun emploi convenable chez son employeur, elle déterminera alors un emploi convenable que le travailleur sera susceptible d’occuper, mais ailleurs sur le marché du travail.

Malgré la décision de la CSST déterminant un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, le salarié a tout de même été assigné pendant près de 5 ans à diverses tâches légères chez l’employeur. Par la suite, l’employeur a mis fin à son emploi puisque l’emploi convenable déterminé par la CSST n’existait pas au sein de son établissement.

Le syndicat a par la suite contesté ce congédiement par voie de grief. Mentionnons qu’il y avait au sein de la convention collective une clause qui précisait que « le salarié qui redevient capable de travailler, mais qui demeure avec une limitation fonctionnelle permanente l’empêchant d’occuper le poste qu’il occupait antérieurement est replacé, sans affichage, à un autre poste que son état de santé lui permet d’occuper, compte tenu des postes disponibles à combler. »

L’employeur estimait que l’arbitre ne pouvait se prononcer sur un tel grief, car cela l’obligerait à revoir les déterminations de la CSST en matière de capacité de travail et de droit de retour au travail. L’arbitre a décliné compétence et s’est rangé aux arguments de l’employeur.

La Cour d’appel décide que la LATMP permet aux parties à une convention collective d’y stipuler des dispositions plus avantageuses que celles prévues à cette loi.

L’arbitre de griefs a donc compétence exclusive sur la question de savoir si une convention contient une telle clause et, le cas échéant, compétence sur son interprétation et son application. Ce faisant, l’arbitre est toutefois lié par les déterminations effectuées par la CSST.

La Cour d’appel écrit :

[116] Cette interprétation ne contredit pas non plus la L.a.t.m.p. : lorsque la CSST détermine l’emploi convenable, elle ne condamne pas le travailleur à ce seul emploi pour le reste de ses jours professionnels. Elle n’empêche donc pas le travailleur d’occuper des emplois autres que convenables (que ce soit chez l’employeur ou ailleurs).


[117] Rien ne s’oppose donc à ce que les parties, et c’est ce qu’elles ont fait ici, conviennent d’une disposition qui élargit le droit au retour au travail du salarié en forçant l’Employeur à offrir au salarié tout emploi qu’il est capable d’accomplir nonobstant qu’il s’agisse d’un emploi en deçà de l’emploi convenable déterminé par la CSST.”

La Cour rejette donc l’appel, indique que l’arbitre a juridiction pour appliquer des clauses plus avantageuses et conclut que la disposition en question est en effet plus avantageuse que ce que prévoit la LATMP.

Nos commentaires :

Au sens de la LATMP, l’emploi convenable doit respecter certaines conditions, dont notamment tenir compte des intérêts et des qualifications professionnelles du travailleur, et également prendre en considération ses limitations fonctionnelles.

Ainsi, un technicien en administration ne se verra pas offrir un poste de concierge, lequel ne tient pas compte de ses qualifications professionnelles, au même titre qu’une préposée aux bénéficiaires ne se verra pas offrir un poste de cuisinière, pour les mêmes raisons.

Or, dans la présente affaire, les parties avaient convenu, à leur convention collective, la possibilité pour un salarié qui redevient capable de travailler, mais qui demeure avec une limitation fonctionnelle permanente l’empêchant d’occuper le poste qu’il occupait antérieurement, d’être replacé, sans affichage, à un autre poste que son état de santé lui permet d’occuper, compte tenu des postes disponibles à combler,

Cette clause offre donc au salarié plus de possibilités et, en ce sens, est plus avantageuse que le régime prévu par la CSST en matière de réadaptation et de retour au travail : elle lui permet de se voir replacer ailleurs que dans un emploi qui tient compte de ses qualifications professionnelles.

L’éventail des postes pour le travailleur étant donc plus grand que ceux qui correspondent à la définition d’ « emploi convenable », la disposition qui figurait à la convention collective était donc plus avantageuse que la Loi.

Ainsi, il faut conclure que l’arbitre aura parfois compétence — dans des cas très spécifiques – pour se saisir d’un grief lorsque la convention collective prévoit des obligations plus avantageuses que celles édictées à la LATMP.

En effet, n’oublions pas qu’à la lumière de l’Arrêt Caron, rendu par la Cour d’appel au début de l’été 2015, la CSST et la CLP ont dorénavant le pouvoir de vérifier si l’employeur a rempli son obligation d’accommodement à l’égard du travailleur dans le cadre du processus de réadaptation prévu à la LATMP, à la lumière de la Charte. L’employeur ne peut donc plus, suivant cet arrêt, se limiter à indiquer qu’il n’a pas d’emploi convenable au sein de son entreprise.

Dans un tel contexte, nous pouvons donc penser qu’il sera assez peu fréquent qu’une clause de convention collective puisse être plus avantageuse que le processus de réintégration prévu à la LATMP, lequel doit dorénavant tenir compte de la Charte et de l’obligation d’accommodement de l’employeur.

Référence complète de la décision : Université McGill c. McGill University Non Academic Certified Association (MUNACA), 2015 QCCA 1943,24 novembre 2015. Juges François Pelletier, Marie-France Bich, Jean-François Émond.

Conseil pratique

Pour le futur, nous conseillons donc aux employeurs d’être vigilants lorsque vient le temps de négocier les dispositions d’une convention collective portant sur le retour au travail d’un salarié ayant subi une lésion professionnelle afin d’éviter d’imposer un fardeau additionnel au régime déjà complet offert en matière de réadaptation.