Dans cette affaire, le Ministère des Relations internationales a été condamné à des dommages moraux et punitifs pour avoir remplacé de façon brutale et vexatoire un haut diplomate québécois, particulièrement en lui refusant tout accès à sa résidence officielle, sans préavis.
Les faits
En mars 2008, le Ministère des Relations internationales procédait au remplacement du délégué général du Québec à New York, M. Bruno Fortier. Selon la version officielle, on lui reprochait d’avoir passé outre à une directive du sous-ministre en modifiant les responsabilités d’une employée, alors que celle-ci avait formulé à son encontre une plainte informelle pour harcèlement sexuel. Du jour au lendemain, le deuxième plus haut diplomate du Québec se retrouvait donc « à la rue », sans rémunération, forcé « à se réfugier chez des amis pour satisfaire ses besoins de première nécessité ».
Ce remplacement soudain avait suscité une controverse dans les médias, soulevant des questions sur l’intégrité de M. Fortier et minant sa capacité à se trouver un emploi comparable. C’est dans ce contexte qu’il a intenté une action en dommages-intérêts, alléguant la résiliation abusive de son contrat d’emploi.
Le juge de première instance a conclu que ce remplacement, bien que conforme au décret applicable, avait été imposé de façon déraisonnable, ce qui justifiait l’octroi de 5 000 $ de dommages moraux et 5 000 $ de dommages punitifs. M. Fortier a porté ce jugement en appel.
Le jugement en appel
La Cour d’appel a confirmé qu’en interdisant l’accès à la résidence de fonction pour prendre possession de ses effets personnels, les dirigeants du ministère avaient agi avec une « insouciance déréglée » portant atteinte au droit à la vie privée et à la dignité de M. Fortier. En effet, ces dirigeants ne pouvaient ignorer les « conséquences préjudiciables immédiates et naturelles » de leur décision, d’autant plus qu’ils avaient tout d’abord omis d’accorder l’indemnité de fin d’emploi prévue au contrat de travail.
Pour la Cour d’appel, les faibles montants accordés en première instance minimisaient la gravité de la faute commise. Compte tenu de l’humiliation subie par M. Fortier et de la grave dépression dont il a été affligé suite à son remplacement, son préjudice moral s’apparentait à celui d’une victime de diffamation. Pour ces motifs, la Cour a accordé la somme de 50 000 $ en dommages moraux et 25 000 $ en dommages punitifs.
Référence : Fortier c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCA 1426.