La décision porte sur l’admissibilité et la divulgation de la preuve patronale justifiant le congédiement de la plaignante.
Dans cette affaire, la plaignante a été congédiée pour avoir contrevenu aux règles et procédures applicables, alors qu’elle travaillait à titre de préposée à la maintenance dans une station de ski.
Les faits ont été constatés par l’employeur après qu’il ait fait installer des caméras de surveillance dans les cabines où la plaignante était appelée à travailler.
Plus spécifiquement, l’employeur lui reproche d’avoir utilisé son téléphone cellulaire pour faire des appels, transmettre des messages textes, jouer à des jeux, ou d’avoir utilisé le téléphone situé à son poste de travail à des fins personnelles, d’avoir dormi au travail et d’avoir fumé à l’intérieur du poste d’opération.
La divulgation préalable de la preuve
L’employeur a-t-il l’obligation de permettre à la plaignante de prendre connaissance de la preuve vidéo qu’il détient contre elle avant qu’elle ne rende son témoignage ?
Selon l’arbitre, ni la loi, ni la convention collective n’imposent une telle obligation à l’employeur. L’arbitre insiste d’abord sur le caractère distinctif de la procédure d’arbitrage et il rappelle que le principe fondateur du droit du travail repose sur un cadre informel, de même quesur la célérité des procédures.
Il affirme ensuite que l’appréciation de la crédibilité du témoignage de la plaignante est au cœur du litige ; elle est essentielle à l’évaluation du caractère approprié de la sanction imposée. Permettre la consultation préalable de la preuve vidéo minerait cette crédibilité.
Dans ce contexte, l’arbitre refuse d’importer les règles de procédure civile sur lesquelles le syndicat fonde son argumentaire et retient la proposition de l’employeur de permettre la divulgation de la bande-vidéo uniquement après que la plaignante ait été interrogée.
La recevabilité de la preuve vidéo
Le syndicat soumet que la bande-vidéo obtenue par l’employeur l’a été en violation des droits fondamentaux de la plaignante. Il soumet qu’il y a eu atteinte grave au droit de cette dernière à la vie privée et que la surveillance constitue une condition de travail déraisonnable, le tout en contravention des dispositions du Code civil du Québec et de la Charte des droits et libertés de la personne.
La surveillance vidéo n’est pas automatiquement illicite. Elle peut être justifiée par des motifs rationnels, dans la recherche d’un objectif légitime, en autant qu’elle soit proportionnelle à cet objectif, qu’elle soit conduite par des moyens raisonnables et que l’atteinte aux droits fondamentaux soit minimale.
En l’espèce, l’arbitre estime que la preuve est recevable. D’abord, puisque la plaignante est directement responsable de la sécurité des autres salariés dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, l’arbitre conclut que l’objectif recherché par la surveillance est la protection de la santé et de la sécurité des employés. Il s’agit d’un objectif légitime.
De plus, la configuration des lieux empêche l’arrivée par surprise des superviseurs ; il est donc pratiquement impossible de prendre la plaignante en flagrant délit. Étant donné que l’employeur ne dispose pas d’autres moyens raisonnables pour effectuer une surveillance adéquate, l’utilisation de la caméra de surveillance était nécessaire.
La caméra a été utilisée pendant une courte période. Elle filmait un endroit précis, en circuit fermé. La surveillance a été conduite de façon raisonnable dans les circonstances.
Considérant ce qui précède, l’arbitre conclut que la preuve vidéo est admissible puisqu’elle n’a pas été obtenue dans des conditions qui portent atteinte aux droits fondamentaux de la plaignante.
Référence : Syndicat des travailleurs(euses) de la Station Mont-Tremblant (CSN) et Station Mont-Tremblant (Claudine Amadei), (T.A., 2018-02-01), 2018 QCTA 54.