En effet, la Cour a confirmé que les articles 76.3, 76.5 et 103.1 al. 2 de la Loi sur l’équité salariale, relatifs aux obligations des employeurs eu égard au maintien de l’équité salariale, sont inconstitutionnels, puisqu’ils perpétuent la discrimination systémique fondée sur le sexe à l’égard des femmes.

Historique

Rappelons qu’en 2009, dix ans après l’adoption du premier régime québécois sur l’équité salariale, le gouvernement du Québec a remplacé l’obligation de maintenir l’équité salariale sur une base continue par un système d’évaluation obligatoire tous les cinq ans.

À compter de cette date, lorsque l’évaluation révèle une omission de maintenir l’équité salariale dans son entreprise, l’employeur est tenu d’apporter les correctifs salariaux requis pour l’avenir seulement. Les iniquités salariales ayant pu apparaître au cours de la période de cinq ans comprise entre chaque évaluation restent non corrigées jusqu’à la prochaine évaluation. Ce n’est qu’en présence d’une preuve que l’employeur a agi de façon arbitraire ou de mauvaise foi que celui-ci pourra être tenu de verser des ajustements salariaux de façon rétroactive.

Ces nouvelles dispositions ont été la source de plusieurs contestations de la part de syndicats. Ces derniers alléguaient qu’elles contrevenaient à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, lequel prévoit le droit à l’égalité de tous face à la loi et prohibe toute discrimination, notamment celle fondée sur le sexe.

Jugement de la Cour suprême du Canada

Appelée à trancher le débat, la Cour suprême conclut que les dispositions contestées établissent des distinctions fondées sur le sexe et que le régime actuel perpétue l’iniquité défavorable aux femmes. En effet, le régime contraint les femmes à endurer des cycles de cinq ans d’iniquité salariale puisqu’elles ne reçoivent une rémunération équitable qu’au terme de l’évaluation quinquennale et ce, sans compensation rétroactive à la date d’apparition des inégalités. Cet aspect du régime est discriminatoire et contraire à l’article 15 de la Charte, selon la Cour suprême.

Par ailleurs, la Cour affirme qu’un régime d’évaluation périodique n’est pas nécessairement discriminatoire. Toutefois, prévoir que les ajustements salariaux ne sont pas dus à compter de la réapparition de l’iniquité salariale, mais plutôt à compter des résultats de l’évaluation, l’est, et cette discrimination n’est pas justifiée. De l’avis de la Cour, le régime permet ainsi à l’Employeur de bénéficier d’une certaine amnistie.

La Cour considère également inconstitutionnel l’article 76.3 de la Loi sur l’équité salariale concernant les éléments devant se retrouver à l’affichage auquel l’employeur est tenu de procéder dans le cadre de l’évaluation du maintien de l’équité salariale dans son entreprise. À son avis, afin d’être en mesure de réclamer les correctifs salariaux requis à compter de la date où s’est créée l’iniquité salariale, les salariés doivent connaître la date de l’événement ayant causé cette même iniquité afin d’exercer leurs recours.

Mince consolation pour les employeurs : la Cour suprême confirme toutefois que la non-participation des salariés au processus de maintien de l’équité salariale n’a pas d’effet discriminatoire.

Réference : Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17.

Conseil pratique pour l’employeur

Il sera donc judicieux, en guise de préparation à ces changements, de bien noter toutes les modifications de postes qui surviendront au fil des cinq années suivant l’exercice d’équité salarial effectué par l’employeur. Le moment venu, il sera plus facile de bien identifier quel changement pourrait avoir un impact sur votre courbe salariale, et quand celui-ci est survenu.

Pour toute question en lien avec l’application de ce jugement, ou relativement à l’application de la Loi sur l’équité salariale, nous vous invitons à communiquer avec Me Mélanie Lefebvre ou Mme Catherine Chevrette.