Le 3 octobre 2024, le ministre de la Justice du Québec présentait à l’Assemblée nationale le projet de Loi visant à contrer le partage sans consentement d’images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence (le « PL-73 »). Le 4 décembre dernier, le projet de loi a été adopté et est officiellement entré en vigueur[1].
Le PL-73 apporte notamment des modifications à plusieurs lois, dont le Code civil du Québec[2], le Code du travail[3] (le « C.t.) et la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[4] (la « LITAT »), afin d’établir une présomption de non-pertinence de la preuve fondée sur les mythes et les préjugés en matière de violence sexuelle et conjugale.
La présomption de non-pertinence de la preuve représente une codification de certains principes relevant de la jurisprudence canadienne[5]. Les nouvelles dispositions introduites par le PL-73 visent à éviter que la preuve d’une partie soit fondée sur des mythes et stéréotypes présents chez les victimes de violence sexuelle ou conjugale.
Par ailleurs, ces mythes demeurent toujours d’actualité : encore en 2024, la Cour Suprême du Canada réitère que l’utilisation de la preuve fondée sur des mythes et des stéréotypes est inacceptable[6].
Modification au Code du travail et à la Loi instituant le Tribunal administratif du travail
L’article 100.9.1 C.t. et l’article 35.1 LITAT prévoient désormais que malgré toute règle de preuve à l’effet contraire, lorsqu’il est question d’allégations de violence sexuelle ou conjugale, certains faits sont présumés non pertinents, à savoir :
- tout fait relatif à la réputation de la personne prétendue victime de la violence ;
- tout fait lié au comportement sexuel de cette personne, autre qu’un fait de l’instance, et qui est invoqué pour attaquer sa crédibilité ;
- le fait que cette personne n’ait pas demandé que les gestes, pratiques, paroles, comportements ou attitudes cessent ;
- le fait que cette personne n’ait pas porté plainte ni exercé un recours relativement à cette violence ;
- tout fait en lien avec le délai à dénoncer la violence alléguée, sauf pour démontrer l’existence ou l’absence d’un motif raisonnable pour prolonger un délai ou pour relever ou non une personne des conséquences de son défaut de le respecter ;
- le fait que cette personne soit demeurée en relation avec l’auteur allégué de cette violence.
Ces modifications illustrent la volonté du législateur de fournir un soutien supplémentaire aux victimes de violence sexuelle et conjugale dans le cadre de procédures judiciaires ainsi que l’importance de la protection dont doivent bénéficier ces victimes dans un tel contexte.
Le PL-73 s’inscrit donc dans la même veine que les récents changements législatifs apportés à la Loi sur les normes du travail[7], la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles[8] et la Loi sur la santé et la sécurité du travail[9] relativement au harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail.
Pour avoir plus d’informations sur les changements législatifs relatifs au harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail, vous pouvez consulter notre article à ce sujet[10].
[1] RLRQ, c. N-1.1
[2] RLRQ, c. A-3.001
[3] RLRQ, c. S-2.1
[4] Harcèlement psychologique en milieu de travail : adoption du projet de loi n° 42, https://lorangermarcoux.com/ressources/harcelement-psychologique-en-milieu-de-travail-adoption-du-projet-de-loi-n-42
[5] MÉMOIRE DU BARREAU DU QUÉBEC, projet de loi no 73, Loi visant à contrer le partage sans consentement d’images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence, octobre 2024, en ligne : <https://www.barreau.qc.ca/fr/nouvelle/memoires-enonces-positions/projet-loi-73-contrer-partage-sans-consentement-images-intimes/#:~:text=Le%20Barreau%20du%20Qu%C3%A9bec%20a,des%20personnes%20victimes%20de%20violence>
[6] R c. T.W.W., 2024 CSC 19, par.25
[7] Loi visant à contrer le partage sans consentement d’images intimes et à améliorer la protection et le soutien en matière civile des personnes victimes de violence, projet de loi no 73 (adopté – 4 décembre 2024), 1re sess., 43e légis. (Qc)
[8] RLRQ, c. CCQ-1991, art. 2858.1
[9] RLRQ, c. C-27 (C.t.), art.100.9.1
[10] RLRQ, c. T-15.1, art.35.1