Le contexte

Récemment, la Cour suprême du Canada a accueilli la demande d’autorisation d’appel de la Société des casinos du Québec inc. (la « Société »), représentée par Loranger Marcoux, afin de trancher une importante question de nature constitutionnelle : 

Les cadres de premier niveau auront-ils le droit de se syndiquer, au Québec, en vertu du Code du travail ?

Les procédures judiciaires

L’historique judiciaire de cette affaire remonte à 2009, alors que l’Association des cadres de la Société des casinos du Québec (l’« Association ») dépose une requête en accréditation devant la Commission des relations du travail (devenue le Tribunal administratif du travail en cours de procédure, soit le « TAT ») dans le but de représenter les cadres de premier niveau de la Société et de négocier leurs conditions de travail. 

Dans la même procédure judiciaire, l’Association demande au TAT de déclarer que l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » prévue au Code du travail lui est inopposable constitutionnellement, puisqu’elle porte atteinte, selon l’Association, à la liberté d’association garantie par les Chartes québécoise et canadienne (les « Chartes »).

De son côté, la Société conteste le fait que cette exclusion soit contraire aux Chartes. Selon elle, le droit d’association n’inclut pas le droit à l’accréditation. De plus, l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » prévue au Code du travail n’entrave pas substantiellement l’exercice de la liberté d’association. L’Association n’est pas privée de se constituer, de négocier ni de représenter ses membres. Pour la Société, l’Association revendique plutôt un régime précis de relations de travail, ce qui n’est pas protégé par la liberté d’association.

Après analyse du dossier et suivant les représentations des parties, le TAT conclut que l’exclusion des cadres de la définition de salarié prévue au Code du travail constitue une entrave substantielle à la liberté d’association protégée par les Chartes. Notamment, le TAT en vient à la conclusion que le régime contesté prive les cadres de premier niveau de protections adéquates dans leurs interactions avec leur employeur de manière à créer une entrave substantielle à leur capacité de véritablement mener des négociations collectives. 

Également, pour le TAT, cette exclusion prive les cadres de quelque protection que ce soit contre l’entrave ou l’ingérence de la part de l’employeur dans leurs activités associatives ; elle place les cadres dans une position délicate dans le rapport de force qu’ils entretiennent avec l’employeur ; elle empêche les cadres de négocier des conditions de travail d’importance ; les cadres sont privés du droit de grève ; elle ne permet pas de recourir à un tribunal spécialisé advenant une contravention au droit de négocier des conditions de travail de bonne foi ; etc. Le TAT conclut par la suite que cette entrave ne peut être justifiée et déclare que l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » est inopérante constitutionnellement.

La Société se pourvoit en contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour supérieure, qui elle, annule la décision du TAT et déclare constitutionnelle l’exclusion des cadres de la Société de la définition de « salarié » prévue au Code du travail.

L’Association demande alors à la Cour d’appel d’intervenir.

La Cour d’appel infirme le jugement de la Cour supérieure et rétablit la décision du TAT. C’est suivant ce jugement que la Société dépose une demande de pourvoi à la Cour suprême du Canada. 

La Cour suprême du Canada 

La Cour suprême a accepté d’entendre le dossier. C’est donc dire que la Cour suprême devra se prononcer sur la constitutionnalité de l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » prévue au Code du travail. En d’autres termes, la Cour suprême devra déterminer si le fait d’exclure les cadres de premier niveau de la possibilité de se syndiquer en vertu du Code du travail, au Québec, constitue une violation de la liberté d’association au sens où cette liberté d’association a été interprétée et appliquée au fil des années par cette même Cour.


Conseils pratiques

Il s’agit donc d’une affaire dans laquelle la Cour suprême du Canada aura à se prononcer sur l’interprétation de la portée de la liberté d’association protégée par nos Chartes. Advenant la confirmation du jugement de la Cour d’appel par la Cour suprême, il pourrait y avoir d’importants effets sur le régime québécois des relations de travail des cadres de premier niveau ou même des cadres en général, et ultimement, sur les régimes de relations de travail des cadres d’autres provinces canadiennes. Cette décision aura donc nécessairement un impact important tant sur les relations de travail au Québec que sur celles des autres provinces canadiennes où une pareille exclusion est prévue à la loi. Il s’agit d’une affaire à suivre de près.