Les faits
Dans le contexte des moyens de pression contestant la réforme du régime de retraite, la Fraternité des policiers et policières de Montréal (ci-après désigné la « Fraternité ») appose des autocollants sur les biens du service de police de la ville de Montréal (ci-après désigné le « SPVM »), notamment les portes, les véhicules de patrouilles, les vitres et les immeubles. Ces autocollants comportent entre autres les messages suivants : « on n’a rien volé, nous », « contre la loi 3 », « libre négo », « au voleur ».
Le SPVM demande à un arbitre de grief de rendre une ordonnance afin de faire cesser cette pratique qu’elle considère contraire aux obligations incombant aux policiers en vertu de leur contrat de travail et de leur Code de discipline. De plus, elle invoque que cette pratique, la prive de la jouissance paisible et de la libre disposition de ses biens, droit protégé à l’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne, puisque les autocollants endommagent sa propriété, vont à l’encontre de l’intérêt et de la mission du SPVM et qu’ils nuisent à la sécurité, au service et à l’efficacité de celle-ci. Selon elle, il s’agit de méfait et de vandalisme. Le SPVM veut également se faire rembourser les frais de nettoyage qu’elle a dû débourser pour faire enlever ces autocollants de ses biens.
La Fraternité soutient quant à elle que la pose des autocollants est protégée par la liberté d’expression puisque ceux-ci comportent un message et constituent alors un contenu expressif et qu’ils sont une manifestation du droit d’association. Elle soutient qu’elle a souvent eu recours à ce mode d’expression et que les autocollants ont été conçus pour qu’ils puissent être enlevés sans dommages et donc qu’ils n’endommagent pas les biens du SPVM. De plus, selon elle, l’arbitre n’a pas compétence pour rendre l’ordonnance que souhaite le SPVM puisqu’il s’agit d’une forme d’injonction permanente.
La décision
L’arbitre, Me Nathalie Faucher, affirme dans un premier temps que les arbitres ont le pouvoir de rendre des ordonnances ayant un caractère permanent et donc qu’elle est compétente pour entendre les parties et, le cas échéant, rendre l’ordonnance demandée.
Ensuite, l’arbitre retient que la pose des autocollants constitue effectivement une manifestation expressive du droit d’association protégée. Toutefois, dans les faits, la pose des autocollants a causé des dommages aux biens du SPVM puisqu’il y en avait une quantité non négligeable. De plus, elle note que la balance entre les objectifs que vise le SPVM tel que la sécurité, l’impartialité, et la crédibilité et le degré d’atteinte en cause penche nettement en faveur de la restriction de l’expression.
En motivant sa décision, elle explique que les policiers doivent faire preuve de neutralité politique et de loyauté envers l’institution publique et que les autocollants font le contraire : ils laissent croire que la libre négociation n’a pas été respectée et que les corps publics sont des voleurs. L’activité expressive et le lieu choisi pour ce faire sont incompatibles. En posant des autocollants sur les biens du SPVM, la Fraternité a fait en sorte que le SPVM est associé à ces messages aux yeux du public et il est normal que le SPVM veuille s’en écarter.
L’arbitre est d’avis que l’atteinte à la liberté d’expression de la Fraternité est minimale puisqu’ils peuvent s’exprimer, mais ne peuvent le faire sur les biens du SPVM.
L’arbitre ordonne donc à la Fraternité de cesser d’apposer des autocollants sur les biens du SPVM. De plus, elle déclare que la Fraternité est responsable des dommages résultant de la pose des autocollants et des coûts d’enlèvement de ces autocollants, mais laisse les parties s’entendre au sujet des montants dus.
Référence : Montréal (SPVM de) (SPVM) et Fraternité des policiers et policières de Montréal (grief patronal), 2016 QCTA 968.
Suivi : Pourvoi en contrôle judiciaire rejeté (2016 QCCS 3552) et permission d’en appeler rejetée (2016 QCCA 1570).