Dans cette affaire, l’arbitre de grief devait analyser la décision de l’employeur de ne pas rémunérer une employée en période d’isolement à domicile en attente du résultat d’un test de dépistage de la COVID-19.
Les faits
La plaignante est technicienne ambulancière chez l’employeur, une entreprise privée. Suivant un contact étroit et prolongé avec une collègue infectée par la COVID-19, cette dernière a été contrainte de se soumettre à un test de dépistage et de s’isoler jusqu’à la réception du résultat conformément aux directives de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). L’employeur a pris la décision de ne pas rémunérer cette période d’isolement d’une durée de trois (3) jours, considérant qu’une telle mesure ne trouvait pas fondement dans la convention collective ni dans les lois et différents arrêtés ministériels rendus en contexte de pandémie.
Cette décision est contestée par grief. Outre certains arguments formulés en lien avec la convention collective applicable, le syndicat invoquait l’article 10 paragraphe 2 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), lequel prévoit le droit pour tout travailleur de « bénéficier de services de santé préventifs et curatifs en fonction des risques auxquels il peut être exposé et de recevoir son salaire pendant qu’il se soumet à un examen de santé en cours d’emploi exigé pour l’application de la présente loi et des règlements. »
De plus, pour le syndicat, même si la pandémie peut être considérée comme étant un événement de « force majeure », l’employeur ne saurait en tirer un effet libérateur l’autorisant à ne plus rencontrer son obligation de rémunérer ses effectifs, qui peuvent être sujets à s’absenter en raison de cette pandémie.
La décision
L’arbitre débute en précisant que, même si aucune disposition de la convention collective ne traite de la situation soumise, il existe un lien suffisant entre cette dernière et le régime de la convention collective au regard de la rémunération pour établir la compétence du tribunal à examiner le litige.
Quant au fond de l’affaire, l’arbitre donne raison à l’employeur.
Pour l’arbitre, le litige soumis tombe effectivement sous l’empire de la LSST, mais ne découle pas de l’article 10 tel qu’invoqué par le syndicat. En effet, suivant l’interprétation de l’arbitre, la situation ne s’apparente pas au genre de risque découlant de l’exécution du travail qu’on cherche à couvrir par cet article. Au surplus, l’obligation de rémunération stipulée ne couvre que le temps nécessaire par l’examen de santé en cours d’emploi, ce qui n’a rien à voir avec le cas soumis devant lui, soit une période d’isolement à domicile.
Pour l’arbitre, ce sont plutôt les articles 49 et 51 de la LSST qui sont au cœur de cette affaire puisqu’ils représentent l’un des principaux fondements sur lesquels reposent les recommandations, directives et/ou consignes énoncées par l’INSPQ applicables aux milieux de travail.
L’arbitre rappelle que ces articles créent des obligations en matière de santé et sécurité, et ce, tant pour les employeurs que pour les travailleurs. Alors que l’article 49 LSST oblige les travailleurs à se préoccuper de leur santé, de leur sécurité et de leur intégrité et de veiller à ne pas mettre à risque celles de leurs collègues de travail, l’article 51 LSST contraint tout employeur à prendre les mesures nécessaires pour arriver à ce même objectif.
Suivant ce constat, l’arbitre indique que l’employeur n’avait pas d’autre choix, pour donner suite aux attentes de l’INSPQ, que de mettre en place les mesures de base de prévention des infections, transmettre les informations pertinentes à ce sujet, faciliter l’application des mesures de santé publique et favoriser le respect des consignes relatives à l’isolement.
De son côté, l’employée visée par le grief avait le devoir de s’isoler à domicile en cas de contact étroit avec une personne infectée, et ce, jusqu’à ce qu’elle reçoive un résultat négatif à la suite d’un test. Dit autrement, les directives de l’INSPQ ne donnaient aucune marge de manœuvre autant à l’employée qu’à l’employeur : peu importe de qui venait l’initiative, il n’y avait qu’une seule action possible, soit le retrait du milieu de travail.
Dans ce contexte, l’employeur n’avait pas à rémunérer la plaignante tant qu’elle n’était pas de retour au travail, suivant la règle énoncée à l’article 2085 du Code civil du Québec, lequel prévoit que le droit à la rémunération s’acquiert en échange de l’exécution d’une prestation de travail.
Association des travailleurs du préhospitalier (ATPH) et Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (CTAQ), 2021 QCTA 303