Le 24 avril 2025, le ministre du Travail a procédé au dépôt du projet de loi n°101 (le « PL-101 ») intitulé Loi visant l’amélioration de certaines lois du travail[1]. Celui-ci propose une série de changements législatifs et règlementaires[2] en matière de droit du travail visant notamment à maintenir l’efficacité, l’équité et la cohérence de certains aspect des lois qui encadrent le monde du travail.

Parmi les modifications les plus significatives figurent celles apportées au processus d’arbitrage de grief prévu au Code du travail. Le législateur y introduit de nouveaux délais et mécanismes afin de favoriser la célérité des procédures et de favoriser le recours préalable à la médiation par les parties. 

Le présent article vise à exposer les principaux changements envisagés en matière d’arbitrage de grief, ainsi que d’autres mesures proposées par le PL-101.

Modifications au Code du travail

Parmi les modifications proposées au Code du travail[3] (le « C.T. »), on y retrouve les changements suivants en matière d’arbitrage de grief :

  • La partie qui dépose un grief devra nommer un arbitre dans un délai de six (6) mois suivant le dépôt du grief. Si aucun arbitre n’a été désigné dans ce délai, la partie qui a déposé le grief devra, dans les dix (10) jours suivant l’expiration de ce délai, demander au ministre du Travail de procéder à la nomination d’un arbitre, sans quoi elle sera réputée s’être désistée du grief;
  • La première journée d’audience du grief devra débuter dans l’année suivant son dépôt. Ce délai pourra toutefois être prolongé, une seule fois, si les parties en font la demande à l’arbitre et que celui-ci y consent[4];
  • Les parties devront considérer le recours à la médiation avant d’entamer l’arbitrage d’un grief. Sauf si les parties y consentent, le médiateur désigné ne pourra pas agir comme arbitre dans le même dossier en cas d’échec de la médiation[5].
  • L’arbitre pourra, d’office, tenir une conférence préparatoire à l’audition du grief, à l’occasion de laquelle les parties pourront discuter de différentes mesures d’intendance afin de faciliter le bon déroulement de l’audience, notamment en abordant les questions à débattre, les prétentions des parties, les témoins anticipés de part et d’autre, la possibilité d’admettre certains faits et l’échange entre les parties de toute preuve documentaire. Une conférence préparatoire devra également être tenue, si l’une ou l’autre des parties le demande[6].
  • À moins qu’il n’y ait urgence ou qu’il n’en soit décidé autrement pour assurer la bonne administration de la justice, l’employeur et le syndicat seront dorénavant tenus de communiquer aux parties et à l’arbitre une copie de leurs pièces ou de tout autre élément de preuve avant l’audition dans les délais fixés à la conférence préparatoire ou au moins 30 jours avant le début de l’audition[7].

Transparence financière des syndicats

Le PL-101 prévoit également des modifications au Code du travail et à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main‑d’œuvre dans l’industrie de la construction[8], afin de renforcer la transparence financière des associations syndicales en obligeant ces dernières à présenter annuellement à leurs membres, en assemblée générale, des états financiers vérifiés selon les principes comptables généralement reconnus. Elles devront également en remettre gratuitement une copie à tout membre qui en fait la demande[9].

L’obligation de produire des états financiers vérifiés entraînera des coûts additionnels pour les organisations syndicales, puisqu’elle nécessite la réalisation de vérifications visant à confirmer l’exactitude des actifs et des passifs déclarés.

Modifications à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Le PL-101 modifie également certaines dispositions à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[10] (la « LATMP ») afin de corriger et d’actualiser certaines situations prévues au régime d’indemnisation des lésions professionnelles.

Ainsi, on y prévoit notamment qu’un dirigeant d’une corporation ne pourra être exclu de la définition de « travailleur » aux fins de couverture, lorsqu’il exécute personnellement un travail pour une autre personne que celle pour laquelle il a le statut de dirigeant[11]. Ce changement vise, à titre illustratif, à contrer le phénomène « Chauffeur inc. »[12] dans l’industrie du camionnage, en étendant la protection de l’indemnisation lorsque ces personnes subissent une lésion professionnelle. Cette modification s’apparente à la levée du voile corporatif afin de faire bénéficier les personnes ayant le statut de dirigeant dans certaines situations.

Le PL-101 revoit également certaines règles entourant la détermination du revenu brut qui est retenu aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu d’un travailleur et sa revalorisation[13].

Il prévoit aussi l’obligation pour la CNESST d’offrir, dans certains cas précis, la possibilité d’entamer un processus de négociation en vue de régler le différend qui fait l’objet d’une demande de révision administrative, notamment lorsque celle-ci porte sur le droit du travailleur à une indemnité de remplacement du revenu ou sur la capacité du travailleur à exercer son emploi ou un emploi équivalent ou convenable[14], dans l’optique de favoriser plus rapidement un retour au travail des travailleuses et travailleurs concernés.

Modifications à la Loi sur les normes du travail

Le PL-101 modifie la Loi sur les normes du travail[15] (la « LNT ») afin d’y introduire la possibilité pour toute personne salariée de s’absenter sans salaire, lorsque, en raison d’une décision de santé publique[16], d’un sinistre[17] ou de son imminence, elle est empêchée de fournir sa prestation de travail[18].

Il assouplit également les conditions d’accès et bonifie le congé sans solde accordé aux réservistes[19].

Modifications à la Loi sur la santé et la sécurité au travail

Le PL-101 modifie la Loi sur la santé et la sécurité au travail[20] (la « LSST ») en permettant à l’employeur de réclamer à la CNESST le remboursement d’une partie du salaire versé à une travailleuse enceinte ou qui allaite lorsqu’elle a été affectée à d’autres tâches[21].

On vient également ajouter un chapitre à la LSST afin d’y prévoir des dispositions particulières applicables dans certains établissements du secteur de l’éducation et de la santé et des services sociaux. Ces dispositions concernent notamment le temps minimal que le représentant en santé et sécurité devra consacrer à certaines fonctions, ainsi que les rôles du comité et du représentant. De plus, il est précisé que le temps minimal accordé à ce représentant variera en fonction du nombre de travailleurs dans l’établissement[22].

Modifications à la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail[23]

Le PL-101 reporte d’un an la date maximale pour l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux mécanismes de prévention et de participation de la LSST, initialement prévue pour le 6 octobre 2025[24].

Modifications à la Loi instituant le Tribunal administratif du travail 

Le PL-101 ajoute un article à la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[25] (la « LITAT ») afin que seule une personne autorisée par le Tribunal puisse avoir accès à un dossier de la division de la santé et de la sécurité du travail contenant des renseignements médicaux qui présentent un caractère confidentiel et dont la divulgation serait de nature à porter préjudice à une personne[26].

Modifications à la Loi sur les syndicats professionnels 

Afin de se conformer au jugement de la Cour supérieure[27] concernant l’inconstitutionnalité de l’exclusion des non-citoyens canadiens de la constitution d’un syndicat professionnel, le PL-101 ajuste la Loi sur les syndicats professionnels[28] en abolissant l’exigence de citoyenneté canadienne pour les personnes souhaitant constituer, administrer ou œuvrer au sein d’un syndicat professionnel[29].

Autres modifications

Enfin, le PL-101 vient hausser les montants des amendes au niveau de la LNT[30] et du C.T. en ajoutant, entre autres, une amende spécifique en cas d’entrave au travail d’un inspecteur qui enquête sur l’utilisation de travailleurs de remplacement[31]. De plus, les sanctions pénales prévues dans la LATMP sont alourdies en cas de bris de confidentialité d’un dossier de lésion professionnelle impliquant de la violence physique ou psychologique, incluant la violence à caractère sexuel[32].

Commentaires

Ce projet de loi omnibus témoigne d’une volonté claire d’améliorer certaines lois du milieu du travail et vise à répondre à certaines préoccupations provenant des organisations syndicales et du patronat. Ces modifications, si elles sont adoptées, auront des répercussions concrètes pour les différents acteurs du milieu du travail.

Vu l’importance des modifications dans plusieurs secteurs encadrant le monde des relations du travail, il sera intéressant de suivre les consultations à venir sur le PL-101

[1]Projet de loi no 101 (déposé le 24 avril 2025), 43e législature, 1ère session.

[2]Le PL-101 modifie le Code du travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur les normes du travail, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail, la Loi sur les syndicats professionnels, la Loi sur les maîtres électriciens, la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main‑d’œuvre dans l’industrie de la construction, le Règlement sur l’application d’un Code du bâtiment et le Règlement sur la rémunération et les autres conditions de travail des membres du Tribunal administratif du travail.

[3] RLRQ, c. C‑27.

[4] PL-101, art.16.

[5] PL-101, art.17.

[6] PL-101, art.19.

[7] PL-101, art.20.

[8] RLRQ, c. R‑20.

[9] PL-101, art. 14 et 45.

[10] RLRQ, c. A‑3.001.

[11] PL-101, art. 1.

[12] L’expression «Chauffeur inc.» réfère aux travailleurs parfois considérés comme étant « faussement » incorporés dans l’industrie du camionnage.

[13] PL-101, art. 2 à 5.

[14] PL-101, art. 6 à 12.

[15] RLRQ, c. N‑1.1.

[16] En application de la Loi sur la santé publique (c. S‑2.2), de la Loi sur la mise en quarantaine (L.C. 2005, c.20), de la Loi sur les mesures d’urgence (L.R.C. 1985, c.22 (4e suppl.) ou de la Loi sur la sécurité civile visant à favoriser la résilience aux sinistres (c. S‑2.4).

[17] Au sens de la Loi sur la sécurité civile visant à favoriser la résilience aux sinistres (c. S‑2.4).

[18] PL-101, art. 40 et 41.

[19] PL-101, art. 36 à 39.

[20] RLRQ, c. S‑2.1

[21] PL-101, art. 46.

[22] PL-101, art. 54.

[23] LQ 2021, c. 27.

[24] PL-101, art. 64.

[25] RLRQ, c. T‑15.1.

[26] PL-101, art. 62.

[27] Alliance de la fonction publique du Canada c. Procureur général du Québec, 2023 QCCS 4701.

[28] RLRQ, c. S‑40.

[29] PL-101, art. 55 à 58.

[30] PL-101, art. 42 à 44.

[31] PL-101, art. 26.

[32] PL-101, art. 13.