Faits
Le plaignant est un matelot qui travaille pour une compagnie de transport de personnes.
Un premier événement se produit vers la fin de l’été 2014 au moment où une politique interdit aux employés d’avoir de l’alcool sur le traversier. Cette journée, le plaignant se présente au travail et place une caisse bières dans son casier. À la fin de son quart de travail, en attendant le traversier le ramenant du bon côté de la rive et alors qu’il porte toujours son uniforme, le plaignant boit plusieurs bières. Il consomme également quelques bières à bord du traversier sous le regard des clients. Quelques jours plus tard, lorsque l’employeur le convoque afin d’obtenir sa version des faits, le plaignant nie tous problèmes de consommation d’alcool. L’employeur suspend alors le salarié pour 10 jours.
Le deuxième événement se produit durant le mois de novembre 2014 au moment où une politique de « Tolérance Zéro » concernant l’alcool est en place. En vertu de celle-ci, il est interdit à un employé d’être sous l’effet de l’alcool ou sous son effet résiduel étant donné la nature du travail effectué. Le plaignant se présente au travail ayant consommé, selon ses dires, deux bières environ deux heures avant le début de son quart de travail. Cependant, le plaignant sent l’alcool et a les yeux rouges. Il éprouve également de la difficulté à accomplir certaines tâches. Son supérieur, averti de la situation, lui demande de marcher sur une ligne droite. Le plaignant réussit difficilement ce test. Son supérieur le retire immédiatement de ses fonctions et lui demande de quitter les lieux. Suite à cet événement, le plaignant nie toujours avoir des problèmes de consommation d’alcool. L’employeur procède alors à son congédiement.
Notons qu’au cours de ses trois premières années d’emploi, l’employeur lui a permis à trois reprises de s’absenter du travail afin de suivre une cure de désintoxication en raison de son alcoolisme. Celui-ci a même avancé des fonds au salarié afin qu’il puisse suivre une cure fermée.
Analyse
L’arbitre estime que les fautes du plaignant ont été prouvées pour les deux événements et que les mesures disciplinaires sont appropriées.
Pour ce qui est du congédiement, même si aucun test de dépistage d’alcool n’a été fait, l’arbitre estime que l’employeur a rencontré son fardeau de preuve par présomption de faits graves, précis et concordants. Effectivement, avoir de la difficulté à accomplir ses tâches, sentir l’alcool, avoir les yeux rouges, avoir de la difficulté à marcher en ligne droite sont des éléments permettant de conclure que le plaignant était sous l’effet de l’alcool ou, du moins, sous l’effet résiduel de celui-ci. De plus, selon l’arbitre, la politique de « Tolérance Zéro » est adéquate étant donné la nature des activités de l’entreprise et l’importance d’assurer la sécurité du public.
Finalement, le Syndicat soutient pour sa part que l’employeur n’aurait pas dû congédier le salarié. Selon lui, l’employeur devait plutôt accommoder le plaignant étant donné le handicap de celui-ci, soit son alcoolisme. Selon l’arbitre, la situation en l’espèce est paradoxale. En effet, le Syndicat demande un accommodement pour un handicap que le salarié indique à plusieurs reprises ne pas avoir. Le devoir d’accommodement n’est pas un devoir unilatéral de l’employeur. Il faut que l’employé concerné ainsi que le Syndicat y participent. Un employé qui refuse l’aide de son employeur ne peut pas, par la suite, se plaindre de ne pas avoir reçu d’aide.
L’arbitre souligne également qu’on peut se questionner sur l’étendue de devoir d’accommodement de l’employeur même si l’employé avait indiqué souffrir d’alcoolisme puisque l’employeur a déjà consenti à trois cures de désintoxication.
Référence : Syndicat des employés des traversiers Québec-Lévis (FEESP inc. – CSN) et Société des traversiers du Québec pour les Traverses Sorel-Tracy-Saint-Ignace-de-Loyola Québec-Lévis Matane-Baie-Comeau-Godbout, 2017 QCTA 185.