Les faits
Dans cette affaire, le Syndicat dépose une plainte pour pratiques déloyales, entrave et ingérence contre l’Employeur. Il prétend que l’Employeur s’ingère dans les activités du Syndicat pendant la négociation du renouvellement de la convention collective.
Dans les faits, l’Employeur a ciblé les enjeux principaux de la négociation, soit la révision des régimes de retraite et d’assurance collective.
Dans le but d’informer les salariés concernant les modifications qu’il veut apporter à ces régimes, l’Employeur invite les salariés à s’inscrire à des séances d’informations pour comprendre les changements et répondre aux interrogations des salariés.
Le Syndicat est en désaccord avec cette pratique. Par le biais d’une mise en demeure, il demande à ce que ces rencontres soient annulées et que de telles démarches de la part de l’Employeur cessent. L’Employeur retire alors les invitations aux rencontres.
Les négociations reprennent, mais il y a impasse. L’Employeur invite à nouveau les membres du Syndicat auxdites sessions d’informations, à titre volontaire et facultatif. Le même scénario est alors reproduit et l’Employeur retire ses invitations.
Lors d’une rencontre postérieure entre les parties, l’Employeur dépose une offre finale assortie d’une condition spécifique : le Syndicat doit obligatoirement la recommander à ses membres, sinon celle-ci ne peut leur être présentée.
Parallèlement, avant même que cette rencontre ne prenne fin, l’Employeur envoie à tous les membres du Syndicat une lettre faisant état de la situation et du dépôt de l’offre finale patronale.
La lettre mentionne également les principaux éléments sur lesquels repose la position patronale. Une heure plus tard, le Syndicat rejette l’offre de l’Employeur.
La décision du Tribunal
Le Tribunal administratif du travail doit donc déterminer si de tels gestes de la part de l’Employeur constituent de l’ingérence, spécialement en ce qui concerne l’envoi du courriel directement aux salariés¸.
Il rappelle que la liberté d’expression de l’employeur ne peut l’autoriser à s’immiscer dans les affaires internes du Syndicat.
En bref, pour déterminer comment peuvent coexister la liberté d’expression de l’Employeur et la liberté d’association des salariés, la Cour énonce qu’il faut tenir compte du contexte, du contenu de la communication et de son impact sur les rapports collectifs du travail.
Après avoir analysé ces éléments, le Tribunal est d’avis que l’Employeur n’a pas commis d’entrave.
Le contexte de l’affaire est particulier, en ce que l’envoi du courriel aux salariés est concomitant à l’offre faite au Syndicat dans le but de mettre fin aux négociations qui s’étalaient depuis plusieurs mois déjà.
Pour ce qui est du contenu, il est bref, sobre et respectueux envers les salariés. Il ne vise pas non plus à révéler aux salariés des informations portant sur particularités de la négociation, ni sur des sujets de nature à surprendre les membres négociateurs du Syndicat.
Enfin, en aucun temps l’Employeur n’a cherché à influencer négativement les salariés contre leur Syndicat. Il n’y a donc pas d’impact sur les rapports collectifs de travail.
La requête en entrave déposée par le Syndicat est donc rejetée par le Tribunal.
Référence : Pharmacie Jean-Sébastien Blais inc. c. Pharmacie Éric Bergeron et André Vincent inc., 2013 QCCS 5082 (CanLII)