Dans cette affaire, l’employeur tente de mettre en preuve le contenu de la page Facebook privée de la salariée, dans le but de prouver le manque d’honnêteté de celle-ci dans un contexte de lésion professionnelle. 

Puisque l’admissibilité de cette preuve est contestée, le Tribunal demande à l’employeur de prouver qu’elle n’a pas été recueillie dans « des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ».

La décision du Tribunal

Tout d’abord, le Tribunal réfère au principe souvent repris auparavant par la Commission des lésions professionnelles, soit que l’information contenue sur Facebook est, de façon générale, de nature publique. 

Ainsi, une preuve légalement obtenue par le biais de ce site Internet ne constitue pas une atteinte au droit à la vie privée protégé par la Charte, car Facebook « fait partie de la vie publique ».

Cependant, il en serait différemment si l’information était obtenue de manière illicite. En effet, le salarié peut raisonnablement avoir une expectative de vie privée à l’égard d’informations qui sont inaccessibles par un moyen licite. 

Appliquant un arrêt rendu par la Cour d’appel en matière de filature, le Tribunal administratif examine d’abord les motifs qui justifient la cueillette d’informations sur Facebook, pour savoir si ceux-ci sont raisonnables, et non de simples doutes.

Puis, il vérifie si moyens utilisés pour obtenir l’information sont les moins intrusifs et les plus limités possibles. 

Selon cet arrêt de la Cour d’appel, lorsque l’un des deux critères n’est pas rencontré, l’étape suivante consiste généralement à déterminer si l’admissibilité de la preuve déconsidérerait l’administration de la justice.” 

Toutefois, notons ici qu’il existe une différence d’opinion à ce sujet chez les décideurs au niveau de l’application de cet arrêt de la Cour d’appel. La majorité d’entre eux, se fiant au texte de la loi, sont d’avis qu’une preuve peut être admise même si l’un des deux critères n’est pas respecté, dans la mesure où l’admission de cette preuve ne déconsidérerait pas l’administration de la justice. 

Les autres, minoritaires, et dont fait partie le juge administratif ayant rendu la décision à l’étude, croient qu’il y a déconsidération de l’administration de la justice dès que l’un des critères n’est pas rencontré. 

Ainsi, en l’espèce, le Tribunal décide que la preuve obtenue à partir du compte Facebook de la salariée est non recevable, car l’employeur n’a pas démontré de motifs rationnels lui permettant de violer le droit à la vie privée de la travailleuse, la recherche de la vérité n’étant pas suffisante pour remplir le premier critère. 

Par ailleurs, l’employeur n’a pas démontré qu’il avait un intérêt sérieux pour obtenir, à l’insu de la salariée, de l’information contenue sur sa page Facebook, laquelle se veut potentiellement préjudiciable. 

Cela étant, le deuxième critère n’est pas rempli non plus. 

Enfin, la preuve révèle que le tout a été obtenu, selon le juge administratif, par un subterfuge, soit par un tiers qui demeure inconnu, ce qui est frauduleux” selon le décideur. Cela fait, selon lui, présumer que l’information recherchée n’était pas accessible par un moyen licite. 

Référence : Maison St-Patrice inc. et Cusson, 2016 QCTAT 482.

Commentaires

Tout d’abord, mentionnons que cette décision fera heureusement l’objet d’une révision judiciaire. En effet, cette décision s’écarte distinctement du courant majoritaire établi depuis l’affaire Campeau de la Commission des lésions professionnelles.

Nous sommes d’avis que le juge aurait dû se rallier à ce dernier courant, puisque c’est celui-ci qui respecte le texte de la loi et l’intention du législateur. Nous vous informerons sans faute des développements de cette affaire.