C’est la question à laquelle la Cour d’appel a récemment répondu dans la décision 2915499 Canada inc. c. Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2019 QCCA 609.
Faits
L’appelante exploite un restaurant au sein duquel existe un régime de partage des pourboires entre les serveurs et les commis débarrasseurs. Comme dans plusieurs restaurants, à la fin des quarts de travail, les serveurs remettent une partie de leurs pourboires aux commis débarrasseurs selon le nombre de ventes effectuées (2% dans ce cas-ci). Le restaurateur rémunère les commis débarrasseurs au taux de salaire minimum applicable aux salariés au pourboire prescrit à l’article 4 du Règlement sur les normes du travail. Selon lui, les commis débarrasseurs répondent à la définition de salarié au pourboire prévu au Règlement, soit des salariés qui « reçoivent habituellement des pourboires ».
La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail est plutôt d’avis que les commis débarrasseurs ne sont pas des salariés au pourboire au sens du Règlement et intente un recours à l’encontre du Restaurateur afin d’obtenir que ceux-ci soient rémunérés au taux de salaire minimum régulier.
En première instance, le juge de la Cour du Québec fait droit aux prétentions de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail et détermine que les commis débarrasseurs ne répondent pas à la définition de « salarié au pourboire » et qu’ils doivent être rémunérés au taux de salaire minimum dit « régulier », conformément à l’article 3 du Règlement.
En effet, selon le juge, la notion de « salarié au pourboire » est une exception à celle de salarié régulier et doit donc recevoir une interprétation restrictive. De plus, les clients versent habituellement un pourboire aux serveurs, et non aux commis débarrasseurs, ceux-ci recevant plutôt un montant déterminé et choisi par la seule volonté des serveurs, conformément au système de partage des pourboires en place. Selon le juge, cette somme n’a pas pour effet de convertir le statut des commis débarrasseurs à celui de « salarié au pourboire ».
Le restaurateur fait appel de cette décision devant la Cour d’appel.
Décision
Selon la Cour d’appel, le juge de première instance a restreint indûment la notion de « salarié au pourboire ». La Cour explique que la notion de « salarié au pourboire » n’est pas une exception à la notion de « salarié régulier » mais qu’il s’agit plutôt deux statuts distincts encadrant des situations différentes. Ainsi, le juge de première instance n’était pas justifié d’interpréter restrictivement la notion de « salarié au pourboire ».
D’autre part, la Cour tranche que le juge de première instance n’aurait pas dû retenir une interprétation de « salarié au pourboire » axée sur le client (celui qui a l’habitude de verser le pourboire), alors que la définition qui se trouve à l’article 1 du Règlement est axée sur le salarié (celui qui reçoit habituellement des pourboires).
Dans la situation sous étude, bien que les commis débarrasseurs reçoivent indirectement par le système de partage des pourboires des pourboires, cela fait tout de même d’eux des salariés au pourboire étant donné que la preuve démontre qu’ils fournissent un service aux clients et reçoivent habituellement, voire constamment, du pourboire en contrepartie.
La Cour d’appel juge qu’il serait antinomique d’exclure de la définition de « salarié au pourboire » celui qui a rendu un service au client et qui reçoit habituellement, de facto, des pourboires dans le contexte de son travail, même s’il ne s’agit que d’une quote-part du montant versé par le client qu’il reçoit indirectement.
La Cour conclut donc que l’appelante était fondée à verser le salaire minimum payable aux salariés au pourboire aux commis débarrasseurs et renverse la décision du juge de première instance.