Les faits
L’Aluminerie embauche des étudiants pendant la période estivale et la période des fêtes afin de pouvoir continuer sa production normale malgré les nombreuses périodes de vacances des employés. Ces embauches d’étudiants sont permises par les conventions collectives en vigueur, mais celles-ci prévoient que les étudiants gagnent un salaire inférieur à celui des autres salariés.
C’est ce traitement différent que le syndicat conteste en déposant une plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (ci-après la « Commission »). Le syndicat prétend que les conditions salariales des étudiants sont discriminatoires puisque ceux-ci sont rémunérés à un taux horaire inférieur à celui des employés occasionnels et ce, alors qu’ils effectuent le même travail. La Commission entreprend donc un recours devant le Tribunal des droits de la personne (ci-après « Tribunal »), au nom du syndicat et des étudiants.
La Commission demande au Tribunal de déterminer si les conditions salariales des étudiants portent atteinte à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, de leurs droits à un salaire égal et à des conditions de travail justes et raisonnables et ce, sans distinction ou exclusion fondée sur leur condition sociale ou leur âge, à la lumière des articles 10 et 19 de la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après la « Charte »).
La décision
Le Tribunal estime que les étudiants font l’objet d’une disparité de traitement en raison d’une discrimination fondée sur deux (2) motifs. Tout d’abord, sur leur condition sociale puisque les étudiants font partie d’un groupe social vulnérable, puisqu’ils ne participent pas à la négociation de leurs conditions de travail et tentent d’acquérir les outils nécessaires pour s’établir et poursuivre leur carrière. Ensuite, ils sont discriminés en raison de leur l’âge puisqu’effectivement, en moyenne, les étudiants sont plus jeunes que les salariés occasionnels.
Suite à une analyse des tâches assignées aux travailleurs occasionnels et de celles assignées aux étudiants, le Tribunal en arrive à la conclusion que les étudiants font un travail équivalent à celui des travailleurs occasionnels. De plus, selon le Tribunal, ils évoluent dans le même environnement dangereux et potentiellement toxique, reçoivent la même formation, et sont assignés à des tâches aussi dangereuses que celles auxquelles les réguliers et les occasionnels sont eux-mêmes affectés.
En conséquence, le Tribunal en arrive à la conclusion que les conventions collectives établissent une distinction salariale à l’égard des étudiants et ce, pour deux (2) motifs de discrimination prohibés, soit leur condition sociale et leur âge.
Le Tribunal exige que l’Aluminerie verse aux 157 étudiants visés des dommages matériels équivalents aux pertes de salaire subies, mais ordonne également de payer à chacun d’eux 1 000 $ à titre de dommages moraux. Le Tribunal ordonne de plus à l’entreprise de rendre sa convention collective conforme à la Charte des droits et libertés de la personne.
Malgré cette décision, il est important de noter qu’une différence de rémunération pour les étudiants peut être justifiée dans les cas spécifiquement reconnus à l’article 19 de la Charte, lequel se lit comme suit
19. Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.
Il n’y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l’expérience, l’ancienneté, la durée du service, l’évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.
Dans le présent dossier, le Tribunal est d’avis que l’employeur n’a pas réussi à démontrer que l’un ou l’autre des facteurs énumérés au deuxième paragraphe de l’article 19 de la Charte permet de justifier la différence de traitement.
Référence : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaudry et autres) c. Aluminerie de Bécancour inc., 2018 QCTDP 12.