Le 12 juin 2018, le Projet de loi n°176 : « Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail » (ci-après la « Loi modifiée ») a été adopté à l’unanimité par les membres de l’Assemblée nationale. Cet article résumera les principaux changements instaurés par cette Loi modifiée.
Veuillez porter une attention particulière aux dates d’entrée en vigueur des modifications, car certaines dispositions sont déjà applicables, tandis que d’autres entreront en vigueur uniquement le 1er janvier 2019.
Le harcèlement sexuel et psychologique
Depuis le 12 juin 2018, le délai pour déposer une plainte de harcèlement psychologique est passé de quatre-vingt-dix (90) jours à deux (2) ans, à compter de la dernière manifestation du comportement reproché.
Également, le législateur a souhaité réaffirmer l’inclusion des conduites assimilables au harcèlement sexuel dans la définition du « harcèlement psychologique » prohibé par la Loi modifiée. Ainsi, malgré le fait que le harcèlement sexuel est depuis longtemps interprété par les tribunaux comme faisant partie de la définition de harcèlement psychologique, ce comportement y est maintenant explicitement décrit et prohibé dans la Loi modifiée.
De plus, la Loi modifiée ajoute une obligation aux employeurs, soit celle d’adopter une politique concernant le harcèlement psychologique (incluant le harcèlement sexuel) et le traitement de telles plaintes. La Loi modifiée prévoit dorénavant que l’employeur devra rendre cette politique disponible à ses employés, ce qui suggère qu’il adopte une attitude plus proactive au niveau de la diffusion de cette dernière. Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2019, ce qui laissera aux employeurs le temps requis pour rédiger une telle politique ou actualiser une politique déjà existante et la communiquer en bonne et due forme à ses employés.
L’étalement des heures
L’employeur et le salarié peuvent désormais convenir de gré à gré un étalement des heures de travail sur une base autre qu’hebdomadaire, et ce, sans obtenir au préalable l’autorisation de la Commission des normes, de l’Équité, de la Santé et de la Sécurité du travail (ci-après : la « CNESST »).
L’accord, en plus d’être constaté par écrit, devra respecter les conditions suivantes :
- la période sur laquelle les heures seront évaluées ne peut excéder quatre (4) semaines ;
- une semaine de travail ne pourra excéder cinquante (50) heures ;
- l’entente pourra être résiliée, à la demande de l’employeur ou du salarié, suivant la remise d’un préavis d’au moins deux (2) semaines avant la fin prévue de l’étalement convenu.
Cette procédure, plus souple et moins formaliste, est en vigueur depuis le 12 juin dernier.
Le refus de travailler au-delà d’un certain nombre d’heures
Actuellement, un salarié peut refuser de travailler plus de quatre (4) heures après ses heures habituelles quotidiennes de travail. À compter du 1er janvier 2019, la Loi modifiée réduira à deux (2) ces heures supplémentaires obligatoires suivant les heures habituelles quotidiennes du salarié.
De plus, la Loi modifiée prévoit que le salarié pourra refuser complètement de travailler s’il n’est pas avisé au moins cinq (5) jours à l’avance qu’il serait requis de le faire, sauf si la nature de ses fonctions exige qu’il demeure disponible.
Cette nouvelle base de refus de travail est malheureusement rédigée de façon ambigüe dans la Loi modifiée. La jurisprudence qui sera élaborée en vertu de cet article fournira certainement des éléments permettant de définir avec plus de précision son cadre d’application. Dans l’intervalle, nous vous invitons à communiquer avec nous afin de mieux comprendre son contenu.
Le congé de deuil
À compter du 1er janvier 2019, un salarié pourra s’absenter du travail pendant deux (2) journées, sans réduction de salaire, à l’occasion du décès ou des funérailles de son conjoint, de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, de son père, de sa mère, d’un frère ou d’une sœur. La Loi prévoit actuellement une seule journée de congé pour une telle situation.
Les congés annuels payés
Un autre changement majeur introduit par la Loi modifiée concerne les congés annuels payés. À compter du 1er janvier 2019, après trois (3) ans de service continu, un salarié aura maintenant droit à trois (3) semaines de vacances rémunérées. Actuellement, un salarié a droit à trois (3) semaines de vacances rémunérées uniquement après cinq (5) ans de service continu.
Les absences pour des raisons familiales et pour maladie
La Loi modifiée précise et élargit la définition de « parent ». Elle permet aussi des absences pour le bénéfice de personnes autres que les « parents », dans certaines situations, lorsque le salarié est un proche aidant. Ces modifications sont en vigueur depuis le 12 juin 2018.
La Loi sur les normes du travail prévoit actuellement qu’un salarié a droit à dix (10) jours d’absence pour des raisons familiales, sans rémunération. Or, à compter du 1er janvier 2019, deux (2) jours d’absence pour des raisons familiales devront être rémunérés par l’employeur.
La Loi modifiée prévoit également que le salarié absent pour cause de maladie pourra dorénavant être rémunéré lors de telles absences jusqu’à un maximum de deux (2) jours. Toutefois, ces journées de maladie payées ne s’ajouteront pas aux deux (2) jours de congés rémunérés déjà prévus au paragraphe précédent, c’est-à-dire, lors d’absences pour des raisons familiales. Ces deux (2) journées rémunérées pourront être utilisées pour l’une ou l’autre de ces absences, c’est-à-dire, lors d’un congé de maladie ou lors d’une absence pour des raisons familiales.
De plus, en vertu de la Loi modifiée, l’employeur pourra demander au salarié, si les circonstances le justifient, notamment en raison de la durée de l’absence, de lui fournir un document attestant des motifs de cette absence. Ces modifications entreront en vigueur le 1er janvier 2019. Précisons que la Loi modifiée est muette quant aux autres circonstances qui pourraient justifier la demande d’un document indiquant les raisons de l’absence.
Les employeurs qui ont présentement des politiques en vigueur afin de gérer les absences pour des raisons familiales devraient adapter celles-ci à la lumière de ces changements. Bien évidemment, nous demeurons disponibles afin de vous conseiller adéquatement à ce sujet.
Finalement, depuis le 12 juin 2018, la Loi modifiée prévoit l’ajout de semaines d’absence non rémunérées, notamment dans les cas suivants : maladie ou accident, disparition d’un enfant, décès d’un enfant mineur, suicide, etc.
La disparité de traitement
La Loi sur les normes du travail prévoit déjà qu’il ne peut y avoir une différence au niveau du taux de salaire des salariés d’un employeur basée uniquement sur le fait qu’un salarié effectue moins d’heures de travail par semaine que d’autres.
L’ajout majeur concerne les régimes de retraite et autres avantages sociaux. Désormais, il n’est plus possible de prévoir une disparité de traitement au niveau des régimes de retraite ou d’autres avantages sociaux uniquement en raison de la date d’embauche des salariés lorsque ceux-ci effectuent les mêmes tâches dans le même établissement.
Par contre, la Loi modifiée prévoit que cette interdiction de disparité de traitement s’applique uniquement aux distinctions créées après l’adoption de la Loi modifiée. Ainsi, une distinction concernant les régimes de retraite et autres avantages sociaux fondée uniquement sur une date d’embauche qui existait avant le 12 juin 2018 pourra être maintenue sans entraîner une violation de la Loi sur les normes du travail.
La Loi modifiée prévoit également un recours devant le Tribunal administratif du travail pour le salarié qui croit avoir été victime d’une disparité de traitement. Le salarié devra déposer sa plainte dans les douze (12) mois de sa connaissance de la distinction.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 12 juin 2018.
L’encadrement des agences de placement de personnel
Les agences de placement de personnel seront dorénavant réglementées par la Loi sur les normes du travail. Cependant, les modifications proposées à cet effet entreront uniquement en vigueur lors de l’adoption d’un règlement spécifique régissant la question. En date d’aujourd’hui, aucun échéancier n’a été annoncé pour l’adoption d’un tel règlement.
Loranger Marcoux offre une formation aux employeurs désireux d’en savoir plus concernant les changements engendrés par l’entrée en vigueur de la Loi modifiée. À cet égard et afin d’obtenir de plus amples renseignements à ce sujet, nous vous invitons à contacter Jean-Claude Turcotte ou Ann Sophie Del Vecchio.