Les faits
La salariée est préposée aux bénéficiaires dans un centre de santé et de services sociaux. Alors qu’elle est en arrêt de travail pour un problème à l’épaule, son Employeur la congédie puisqu’il estime qu’elle feint les symptômes afin de bénéficier sans droit de prestations d’assurance-invalidité. La décision de l’Employeur est fondée sur la preuve obtenue par vidéo lors d’une filature qu’il a demandée.
En effet, alors qu’il s’apprête à rencontrer la patiente pour un second examen, le docteur aperçoit, par hasard,dans le stationnement, la salariée en train d’effectuer des mouvements incompatibles avec les douleurs qu’elle allègue. Après avoir examiné la salariée, le docteur est d’avis qu’elle est fonctionnelle dans sa vie de tous les jours, mais qu’elle feint les symptômes en présence des docteurs et de son Employeur.
L’arbitre saisi du grief entend la preuve au fond, mais conclut avant tout au rejet de la preuve recueillie lors de la filature. Il est d’avis que les motifs de l’Employeur pour procéder à la filature ne sont pas raisonnables et déclare donc la preuve vidéo inadmissible. À la suite du rejet de la vidéo, la preuve qui subsiste n’est pas suffisante pour justifier le congédiement de la salariée. Ainsi, le grief est accueilli et le congédiement est annulé.
Cette décision est portée en révision judiciaire à la Cour supérieure par l’Employeur.
La révision judiciaire
Deux questions sont soumises à la Cour supérieure lors dela révision de la sentence arbitrale.
Tout d’abord, est-ce que l’employeur avait des motifs suffisants pour mettre en doute l’honnêteté du comportement de la salariée ? Ensuite, est-ce que l’admissibilité en preuve de la filature déconsidérerait l’administration de la justice ?
En ce qui a trait à la première question, la Cour reprend toutes les observations faites par le médecin de l’Employeur. Par exemple, elle retient les manipulations incompatibles avec la condition médicale alléguée, le fait qu’elle ne prend aucune médication malgré l’allégation de douleurs très importantes et la grande différence entre les douleurs et la mobilisation spontanée de l’épaule de la salariée lors de l’examen médical.
La Cour rappelle que, pour pouvoir procéder à une surveillance, l’Employeur n’a pas à prouver qu’il est convaincu de la malhonnêteté de la salariée. Plutôt, il faut voir s’il croit franchement et sérieusement que la salariée simule certains symptômes ou exagère sa condition.
Or, les observations du médecin de l’Employeur ne sont pas des intuitions, des impressions ou de simples soupçons, mais bien des faits observables. L’Employeur s’est fié sur les constations de son médecin, car rien ne soulevait un doute dans son esprit sur la véracité de celles-ci. Il a alors acquis des motifs raisonnables permettant de soumettre la salariée à une filature. Ainsi, il n’a pas agi de manière arbitraire. La preuve obtenue grâce à cette surveillance doit donc être admise puisqu’elle ne viole pas le droit à la vie privée de la salariée.
Pour ce qui est de la question de la déconsidération de l’administration de la justice, la Cour conclut qu’une personne raisonnable et bien informée favorisera la découverte de la vérité. Ainsi, l’admission en preuve de la vidéo permet d’établir les réelles capacités et limitations de la salariée.
La sentence arbitrale est donc cassée et le grief est retourné à l’arbitre pour être jugé au fond.
Référence : Centre de santé et de services sociaux de la Vallée de Gatineau c. Martin, 2016 QCCS 1927